À une époque où les ventes d’albums dégringolent, le cinéma est souvent pour les chanteuses et accessoirement pour les maisons de disques, un dernier salut pour redresser la barre. C’est sûrement ce que se sont dits les dirigeants de Sony en produisant ce film sorti en grandes pompes pour Thanksgiving aux États-Unis. Au programme de ce cabaret burlesque : une ancienne valeur sûre – Christina Aguilera – et une diva parmi les divas – Cher – qui se ferait bien un petit come-back après avoir cuit plusieurs mois à Las Vegas. Deux reines du bal pour une guimauve musicale artificiellement botoxée et terriblement clichée ! À prendre exclusivement au second degré…
Une première mise en garde s’impose. Pour résister aux deux heures de Burlesque, il faut mettre de côté toute prétention cinéphile. Si le film se fend d’évoquer Cabaret (la chanson d’ouverture de Cher « Welcome to Burlesque »), Chicago (par l’hystérie des chorégraphies) ou Moulin Rouge (on a droit au désormais incontournable « Diamonds are a girl’s best friends »), Burlesque se révèle très vite une relecture mal dégrossie de ces références à la sauce MTV. Steve Antin, novice en matière de réalisation, fait l’erreur des débutants et se réfugie derrière une hystérie incontrôlée pour donner à son film un semblant de rythme et une fausse impression de maîtrise. Du coup, ça virevolte dans tous les sens à grands coups de zooms et de cuts (que l’arrivée de Christina à L.A. est atroce !). Beaucoup de bruit pour rien donc ! Les amateurs de vrais musicals vont grincer des dents car ici, on est plus proche de Glitter que de Bob Fosse.
Le scénario du film, qui semble avoir été écrit en dix minutes, n’arrange rien. Voyez un peu : blonde et frangée, Ali Rose (Christina Aguilera) s’ennuie dans sa province natale. Elle a une voix et de l’ambition. Elle part donc tenter sa chance à L.A. De déconvenues en déconvenues, elle atterrit au « Burlesque », un cabaret tenu par Tess (Cher), la tenancière caractérielle. À force de persévérance, Ali Rose finit par s’imposer, trouver la gloire… et le grand amour ! Burlesque affiche donc très vite la couleur et ne cherche même pas à faire illusion. Tout n’y est que clichés, à tel point que l’on se dit plus d’une fois : « C’est pas possible ! Ils ne vont pas jouer à ce point la carte de la facilité !» Eh bien si ! Cette overdose de ressorts téléphonés, agaçante la première demi-heure, finirait même par devenir drôle, pour peu que l’on s’arme de second degré. C’est principalement le cas dans le traitement de l’incontournable love-story entre Christina et le sexy Cam Gigandet (vu en vampire chevelu dans Twillight) qui joue à foison avec les attentes et frustrations des spectateurs.
Ce qui sauve Burlesque du naufrage, c’est la présence en tête d’affiche de ses deux stars : Christina Aguilera (ancienne valeur sûre affectée par l’échec de son dernier album) et Cher, utilisées dans un registre qui leur va comme un gant : celui des divas. Christina Aguilera – dont c’est le premier grand rôle au cinéma – n’est bizarrement pas celle qui s’en sort le mieux. Si elle assure évidemment dans les numéros musicaux, son charisme proche d’Hélène Rollès ne résiste pas au rôle stéréotypé qu’elle interprète. Pas sûr qu’elle réussisse grâce à Burlesque un come-back retentissant. Non, celle qui remporte haut la main le match des divas, c’est Cher, notre Benjamin Button de la chanson. Chacune de ses apparitions est un concentré puissance ultra des différents clichés qu’elle véhicule depuis plus de 40 ans. Avec beaucoup de dérision, elle fait ce qu’on attend d’elle dans un tel film, quitte à devoir changer de perruque à chaque plan et à faire rire à ses dépens. Car le personnage que s’est construit Cher n’est pas à un paradoxe prêt, capable de nous faire osciller en quelques secondes entre la moquerie bienveillante (elle reste pour beaucoup la maîtresse en chirurgie esthétique) et le respect pour sa carrière (n’oublions pas que Cher a été récompensée aux Oscars et à Cannes dans les années 1980 pour des rôles plus substantiels). Ce paradoxe, Burlesque y touche presque malgré lui dans un décrochage inattendu, lors de la chanson « You haven’t seen the last of me ». Les premières notes chantées par Cher sur cette ballade sirupeuse peuvent faire sourire. À la fin, scotché par la fougue et l’intensité de l’interprétation, on serait à deux doigts de lui faire une standing-ovation.
Bon, le problème avec Burlesque, c’est que la coquille est bien souvent aussi futile que le contenu est creux. Du coup, on ne sait pas toujours sur quel pied danser, perdu entre l’indigence de l’ensemble et de bonnes parties de poilade face à cette débauche de too-much et de kitsch. Les fans de Cher et de Christina ou les esprits divas seront forcément aux anges et se passeront en boucle la BO du film après la projection. Les autres risquent au mieux l’indigestion de fard à paupières, au pire de sortir brusquement de la salle en hurlant « Bang ! bang !»