Adaptation très attendue du livre homonyme et à succès de David Foenkinos, ce premier long-métrage semble confirmer une certaine résurgence thématique actuelle au sein du cinéma français ; la rencontre entre deux contraires. Du désastreux Mon pire cauchemar au couple d’Intouchables, on pourrait croire le temps de fête propice à la démonstration de bons sentiments comme de leçons de vie. Une formule honnête et ambitieuse, mais dont l’efficacité reste une nouvelle fois à débattre.
Nathalie est l’archétype de la jeune femme sans histoires. Seulement, son bonheur parfait s’interrompt brutalement avec la mort accidentelle de son mari. Afin de mieux surmonter son deuil, la jeune femme s’abandonne à corps perdu dans le travail. Un jour, dans un moment d’égarement, elle embrasse un de ses collègues, Markus, un homme un peu gauche.
Avec son air candide, sa voix douce et sa silhouette menue, il est certain qu’Audrey Tautou était l’actrice parfaite pour prêter au personnage de Nathalie une fragilité naturelle. François Damiens, quant à lui, possède bel et bien le physique de l’homme atypique, légèrement ingrat, mais pouvant susciter une sympathie immédiate. Deux physiques qui prédisposaient donc à l’interprétation réussie de personnages crédibles et attachants. Pourtant, parier sur la spontanéité des acteurs se révèle ici une ambition plus grossière que véritablement productive, car elle peine à masquer les failles d’un scénario cousu de fil blanc. Du cadre de l’entreprise au cercle amical, la relation entre ce couple inattendu est ainsi supposée mettre à nu l’intolérance d’une société figée dans ses préjugés les plus sommaires. Une leçon de vie qui semble s’inscrire parfaitement dans l’air du temps.
Tandis que la dernière réalisation d’Anne Fontaine orchestrait la rencontre amoureuse entre une bourgeoise et un chômeur sur le ton de la comédie, les réalisateurs misent ici sur un ton délibérément fantaisiste et poétique. Une intention qui imprègne la photographie de couleurs légèrement pastel, procurant la sensation d’un rêve éveillé, reflet du papillonnement intérieur des deux personnages. Seulement, une telle mise en images est symptomatique de la maladresse épineuse du film, qui préfère rester en surface plutôt que de se confronter aux réels enjeux de son sujet et affirme une préférence pour la forme que pour le fond. La voix-off agit ainsi comme le stream of consciousness attendu, dévoilant les sentiments enfouis de chacun mais possède une utilisation arbitraire, injustement éparpillée parmi les personnages, sans que l’on puisse en deviner la réelle visée, si ce n’est celle de styliser une réalisation qui aurait peut-être gagné à démontrer une plus grande simplicité.
La surabondance de ralentis et d’accélérés, de sauts spatio-temporels, de saturation et désaturation… à force de vouloir communiquer au spectateur une impression de rapidité, comme celle d’une caméra omnisciente, capable de voyager entre les cœurs, les époques et les âges, le film privilégie la simplicité tant sur le plan formel que scénaristique. Au lieu d’explorer les hésitations sentimentales des personnages, les réalisateurs ne font finalement que les effleurer, les retenant prisonniers d’une réalisation clipesque, confirmée par la musique répétitive d’Émilie Simon. Certes la jeune chanteuse imprègne cette première réalisation de son univers musical enchanteur et poétique, mais là encore, le film fait le choix de la surabondance plutôt que de l’humilité, soucieux de conférer à cette jolie histoire une enveloppe formelle séduisante. Le mieux est parfois l’ennemi du bien ; il faut croire qu’au cinéma cela reste d’actualité.