Premier film réalisé par le scénariste de la série Braquo, Edgar Marie, Le jour attendra fleure bon l’œuvre d’un fan de polar, déclinée sous la lumière des néons. Foisonnant et enthousiaste, le film se cherche, alternant réussites inattendues et grosses fautes de goûts. Une seule constante : le plaisir manifeste pris par Edgar Marie. Devant tant de passion, difficile de rester de marbre.
Victor et Milan sont amis depuis toujours, engagés dans la gestion d’une boîte de nuit sur les quais parisiens, et en manque d’argent. Pour liquider leurs dettes, Milan, le plus impulsif, accepte de participer aux trafics d’un patron de pègre redouté, émigré au Mexique : Serki. Lorsque les flics leur tombent dessus, Milan accepte de témoigner contre Serki. Six ans plus tard, ce dernier sort de prison et revient en France pour se venger : c’est le moment de faire les comptes… De prime abord, la relation entre Victor (Jacques Gamblin) et Milan (Olivier Marchal) semble parfaitement archétypale : le premier étant le plus posé, le plus cérébral, le second étant le plus impulsif, le plus aventureux. Pour autant, alors que la nuit où Victor et Milan vont tenter d’échapper à Serki se déroule, la relation entre les deux prend du corps, tandis que Serki lui-même constitue un méchant qui, pour être monolithique, reste crédible. Edgar Marie semble avant tout désireux de s’interroger sur la signification des rapports d’amitié, plus que de raconter une course-poursuite.
Pourtant, le réalisateur connaît manifestement ses classiques, ce qui lui permet d’éviter la grande majorité des écueils d’un récit s’inscrivant dans une tradition très codifiée – à quelques exceptions près, telle son désir de faire passer son récit par les hauts lieux de Paris, qui le conduit ainsi à faire marcher ses protagonistes, à pieds, de Bercy au Panthéon en moins d’une minute. Edgar Marie aime la capitale française, et ça se voit : il veut la mettre en scène, se ménage de nombreuses séquences visiblement conçues pour leur potentiel esthétique. Comme il fantasme sur la capitale, il fantasme également sur le monde de la nuit, des boîtes et restaurants, d’une pègre qu’on y imagine attachée : nous voici donc en présence d’une kyrielle de femmes fatales, diversement ornées d’accessoires inquiétants, de vêtements provocants, voire de (presque) rien du tout, cernés de néons multicolores et de lumières clignotant dans la fumée des boîtes – surtout, d’une musique omniprésente et, pour tout dire, envahissante.
D’où une conclusion formelle évidente : Edgar Marie réalise Le jour attendra comme un clip long d’une heure et demie, où se bousculent des influences telles que Michael Mann, Les Prédateurs ou Drive. Si le tic visuel n’est pas repoussant, il se révèle vite érigé, sans autre forme de procès, en style visuel un peu vain. Assorti d’une caméra tremblotante extrêmement désagréable, des plans serrés étouffants et de ralentis, ce style visuel est l’œuvre manifeste d’un cinéaste débutant, désireux de laisser libre cours à des idées de formes et de références sans faire le moindre choix, ce qui brouille un peu l’ensemble. Ainsi, le film se partage donc entre trouvailles formelles et bonnes idées (une fusillade ralentie au ton étrangement réaliste et anti-héroïque, un dialogue entre Gamblin et Marchal au volant d’une voiture qui incorpore avec finesse son environnement, ou une utilisation glaçante d’un œilleton de porte) et débordements kitsch et scènes ratées (une obsession pour les bagnoles qui donne au film des airs de promotion diffusée dans un concept-store, la très gênante tremblote du cadre, ou la scène finale, à la fois originale et affreusement peu crédible…).
Edgar Marie met en scène en chien fou, lancé à pleine vitesse dans son accumulation d’idées noires. Ce n’est, évidemment, ni toujours très heureux, ni toujours très maîtrisé. Pour autant, on se gardera bien de railler un tel enthousiasme pour un film de genre. À suivre et à confirmer.