Dans le dossier de presse de son dernier film, Stephan Elliott se vante d’avoir dû dans sa jeunesse réaliser moult vidéos de mariage, et de tenir ici sa vengeance. Si jamais la déclaration est sincère, alors la vengeance commence à tourner, comme ce qui la motive, à la complaisance dans un genre : après Un mariage de rêve en 2008, le réalisateur enchaîne ici son deuxième festival de gags verbaux et visuels sur fond de conventions nuptiales. S’il est heureux que le genre lui plaise, il est tout de même dommage de ne pas le voir dépasser cette satisfaction basique.
Un mariage de rêve confrontait une jeune mariée américaine à sa belle-famille britannique. Dans My Best Men, c’est un trentenaire londonien qui part en Australie épouser sa bien-aimée, une fille de député, emmenant avec lui ses trois meilleurs amis en guise de témoins. Ces derniers, cependant, sont restés au stade de la bande de jeunes célibataires soudés par l’amitié virile (l’un d’eux, tout de même, se remet difficilement d’une rupture), et leurs facéties, en contravention totale à l’étiquette seyant à un mariage en milieu politique, seront le prétexte à une série de gags plus ou moins scabreux impliquant un lot de cocaïne, son dealer azimuté et surtout un bélier. Du scabreux, donc, mais rien de réellement insolent ou frondeur : il ne s’agit pas réellement de subvertir les traditions, mais de « faire mumuse » avec, tout en laissant la place aux bons sentiments pour la fin. À ce petit jeu, plus que le scénario qui définit ces incartades et les saillies des dialogues, c’est Elliott qui assure le mieux le spectacle par sa recherche du gag visuel. Sa panoplie compte pas mal de trucs assez simples, comme l’effet de surprise de certains contrechamps ou de quelques passages du gros plan au plan d’ensemble (une portion non négligeable porte bien en évidence la marque de Very Bad Trip), et des petits plaisirs un peu futiles, comme l’invitation de l’iconique Olivia Newton-John (Grease) en future belle-mère courant follement après ses années de débauche et donc vaguement complice de nos trois corniauds. Mais il faut aussi compter quelques gags un peu plus recherchés, comme ce montage alterné de la cérémonie de mariage avec la trajectoire dévastatrice d’un arbre taillé en sphère qui roule en emportant tout sur son passage, telle une boule de neige, métaphorisant à la fois l’avalanche et l’aggravation à venir.
Bulle de champagne
La récréation n’est pas déplaisante, mais justement, ce déséquilibre d’efficacité entre scénario et réalisation marque une répartition de tâches qui dit bien le caractère un peu verrouillé du divertissement. À Dean Craig le scénariste (à qui on doit Joyeuses funérailles, réalisé par Frank Oz, puis refait par Neil LaBute) la tâche d’articuler par les mots, d’expliciter sans trop creuser, les thématiques propres à donner à cette petite farce un fond de sérieux : les conflits très téléphonés de classes et de nationalités, la difficulté connue d’adultes attardés à grandir (le mariage vu comme symbole de maturation par les uns et d’encroûtement pour les autres), voire les sous-textes homosexuels (implicites dans les amitiés viriles contrariées par le mariage hétéro, explicites sous forme de gag lourd dans le personnage du dealer). À Stephan Elliott la charge de rendre tout cela un peu amusant, par une recherche du comique de situation certes fructueuse, mais pas totalement concernée par les ressorts que lui proposait son matériau de base, quand elle n’en accrédite pas le versant le moins progressiste : quand l’avenir appartiendrait à la supposée sagesse du mariage, les célibataires et leur facilité à tomber dans la débauche sont remisés — certes sans mépris — dans une case du passé (la caution de la sexagénaire Newton-John aidant). Un tel flou du discours n’est pas pour contribuer à la consistance du film, dont la vocation ne dépasse guère celle d’une bulle de champagne certes délicieusement piquante, mais volatile. Surtout, on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’un tel matériau, certes rebattu, aurait pu donner dans une entreprise de comédie plus inspirée, où mise en scène et scénario sauraient œuvrer véritablement de concert pour moquer les conventions — chez le toujours regretté Lubitsch, par exemple.