Saluons l’impayable paillardise de nos distributeurs hexagonaux, qui n’hésitent pas une seconde à rebaptiser un film étranger pour le seul amour du bon mot. Hysteria, comédie de mœurs britannique sur l’émancipation des femmes, devient de par chez nous Oh My God !, success-story sur l’invention du vibromasseur. Était-ce seulement pour faciliter sa pénétration du marché français ?
Le titre « Hysteria » avait au moins le mérite de planter le sujet du troisième long-métrage de Tanya Wexler : l’hystérie, cet emblème abusif du sexe faible qui, longtemps, posa la condition féminine comme un dérèglement. Dans la bouche des médecins, ce mot servit à fourrer dans le même panier toutes les insatisfactions féminines. Dans l’Angleterre victorienne de 1890, à l’heure où le progrès industriel bouleverse toute la société londonienne, le jeune médecin Mortimer Granville entre au service du Dr Dalrymple, éminent spécialiste de l’hystérie, auprès duquel se bousculent les dames bien comme il faut. On les comprend : son traitement consiste à provoquer, par un massage habile, un orgasme chez ses patientes – ce qui, du coup, les fidélise. L’arrivée du séduisant Granville, dont le tour de main fait des merveilles, conduit à une telle recrudescence de clientèle que la crampe finit par le guetter.
Paillard, le film ne l’est guère, très soucieux d’afficher une bonne tenue, corseté dans sa dignité de téléfilm historique, harnaché dans ses costumes froufroutants, figé dans ses décors où tout reste bien à sa place, croulant sous un bric-à-brac d’accessoires posés là pour faire d’époque. Les plus prudes spectatrices pourront s’y présenter sans craindre une quelconque licence, systématiquement jugulée par un inoxydable esprit de sérieux. Dommage pour une comédie. Le gags sur la sexualité ne dépassent jamais une ringardise foutrement éculée : une castafiore qui jouit en produisant son contre-ut ; une dame collet-monté qui, au sommet du plaisir, décoche un uppercut au praticien ; une soubrette nymphomane. Voilà tout. Le plus vulgaire esprit vaudevillesque est ici maquillé sous une tonne de bienséance. De la photographie soignée aux dialogues polis, tout demeure très convenable. Et demeure, et demeure, et demeure…
Comme on pouvait s’y attendre, l’invention du vibromasseur permet à Granville de surpasser ses crampes et de multiplier ses consultations. Il gagne de l’argent, les femmes ont du plaisir, tout le monde est content. Jeté dans la logique capitaliste d’une success-story, le récit en oublierait presque la question de l’émancipation des femmes. Ne serait-elle que la conséquence logique de l’esprit d’entreprise ? Oh My God ! navigue dans des eaux troubles où sexe, argent et progrès sociaux ont partie liée. Heureusement, pour neutraliser un peu tout cela, Tanya Wexler a pensé au personnage de Maggie Gyllenhaal, fille rebelle du Dr Dalrymple, qui endosse les intentions féministes du film – elle se dresse contre l’autorité de son père, n’a pas la langue dans sa poche – et redresse sa pente amorale – elle gère un abri de fortune pour les pauvres gens. Le film déroule une histoire d’amour stupide entre le jeune médecin et la petite mère du peuple. Capitalisme et socialisme se réconcilient sur la scène du mariage, que Granville et Miss Dalrymple ne consommeront qu’une fois le film fini. On leur souhaite un bon orgasme.