Couronné pour son premier long métrage par le prix du meilleur premier film au festival de Berlin 2011, le réalisateur Andrew Okpeaha MacLean donne la parole aux Iñupiat, habitants du nord de l’Alaska. Cependant, si la donnée géographique a son importance, c’est avant tout parce que le jeune réalisateur approche, d’emblée, la particularité de son pays natal par l’angle du symbole, pour un film qui recycle pertinemment les clichés d’un genre codé.
S’il faut recycler ces clichés, c’est que l’argument de On the Ice fleure bon le déjà-vu. Au sortir de l’adolescence, les jeunes hommes d’une ville dans les environs de Barrow, Alaska se cherchent les uns les autres – certains voient déjà leur vie tracée, avec un enfant à charge ou avec leur petite amie, d’autres, plus réfléchis, conservent la possibilité d’aller au loin, par-delà l’horizon, dans une ville plus grande où des études leur seraient la clé d’une vie meilleure. Mais, à l’âge où l’on se doit de se prouver, l’avenir, fût-il si prometteur, ne tient qu’à un fil et lorsque, par accident, un jeune homme meurt, c’est l’occasion pour chacun de remettre son futur en question…
Un simple, malheureux fait divers donc, et c’est la vie entière qui bascule : combien de fois a‑t-on vu cela ? Heureusement, Andrew Okpeaha MacLean, qui est aussi scénariste, choisit une voie qui, en soi, est assez casse-gueule : celle de la chute de l’état de grâce, dans ce qu’elle a de plus lyrique. À son service, bien sûr, une banquise immaculée, à l’immensité et à la blancheur virginale. Une banquise sur laquelle le soleil ne va pas se coucher avant plusieurs mois, filmée tel le futur de ces jeunes hommes, telle, également, la force de l’amitié immaculée qui les lie.
Le passage à l’âge adulte, c’est le moment où cette pureté disparaît, où il va falloir composer avec. En faisant mine de s’intéresser à son intrigue – le crime sera-t-il découvert, et si oui, qui sera accusé ? –, le réalisateur capte avec pertinence les atermoiements de Qalli, le seul de ces jeunes qui semble doué d’une conscience, d’une éthique, et des tourments qui l’accompagnent. Au sein de ce décor éblouissant, on glisserait volontiers vers une lecture plus primordiale, mythologique de l’intrigue – vers un Qalli équivalent à un homme-symbole, contraint de porter le poids de sa première faute en quittant son Éden personnel. Mais, Andrew Okpeaha MacLean ne se laisse jamais déborder, et préserve l’équilibre entre la portée symbolique réelle et le drame humain trivial.
Le réalisateur sait ainsi innover sur plusieurs plans, alors qu’il aurait pu tomber dans le piège du discours galvaudé. Ni parabole esthétisante à la Dead Man, ni drame social, On the Ice a des audaces inattendues, notamment dans le traitement de ses personnages, et dans sa conclusion, d’une exemplaire maturité. Andrew Okpeaha MacLean n’a certes pas réalisé son film dans le seul but de prouver qu’il savait se dépêtrer des ornières suscitées par le décor choisi – il a cependant prouvé que, non content d’échapper à celles-ci, il savait conjuguer son somptueux paysage natal et une narration pertinente.