C’est bien connu : dans le désert, le hasard n’existe pas. Alors, comment expliquer que le soldat interprété par Pascal Elbé (prénommé Denis) choisisse pile le moment où son escouade se fait décimer pour se payer la plus grosse tuile de sa vie, n’ayant donc plus personne pour l’aider ? Peu importe, coco, c’est pour les besoins d’une super idée de scénario : car, voyez-vous, Denis a posé le pied sur une mine.
En territoire ennemi (« plein de talib’ », si l’on en croit le gouailleur personnage interprété par Laurent Lucas), Denis est donc coincé sur sa mine, quand il se rend compte que, ça tombe bien, eh oui, l’otage qu’ils étaient venus chercher se trouve pile en face de lui, ligotée. Hélas, l’état-major, bien conscient de sa situation, ne peut venir le chercher car, eh oui derechef, une tempête de sable inopinée vient de les empêcher de communiquer, sans parler de lancer la mission de rescousse. Comme quoi, dans le désert, le hasard, ça existe. Soit. Le réalisateur Yannick Saillet et son scénariste Jérémie Galan ont décidé de violer à peu près toutes les règles de la probabilité – soit. Laissons notre incrédulité au vestiaire, car le concept est intéressant.
Il y a effectivement de l’idée à poser sur une mine un soldat – Boris Vian en fait la conclusion à l’humour noir dans sa nouvelle Les Fourmis, lesdites fourmis étant les premiers signes de la perte de contrôle nerveux de sa jambe par le malheureux soldat, prélude à une explosion qui interviendra hors-champ, Saillet et Galan préfèrent nous faire vivre l’expérience entièrement. Hélas, l’un comme l’autre manquent de rigueur. Incapable de capturer la tension pourtant éprouvante de la situation, Yannick Saillet semble effrayé par l’opportunité de filmer les contorsions épuisées du corps de son soldat. Celui-ci veut-il fouiller la terre autour de sa mine ? Pascal Elbé est filmé en plan large, en train de commencer de faire le geste, puis le réalisateur saute immédiatement à un plan serré sur le couteau fouillant tranquillement la terre.
Rien ne semble donc poser de difficulté au soldat, pourvu qu’il reste perché sur sa mine : contorsions pourtant acrobatiques, absence de sommeil, une nuit dans le désert qu’une simple veste suffit à passer sans encombre… Tout va bien. À tel point que ce malheureux soldat n’a qu’une seul chose à craindre : l’ennui – un risque partagé par le spectateur. Avec candeur, Jérémie Galan donne au soldat Denis l’occasion de quelques scènes émouvantes : le récit ex nihilo de la mort de son coéquipier, le coup de fil héroïque à sa famille à laquelle il ne révèle pas sa situation. Par moments, il va aussi donner dans une éprouvante grossièreté thématique : on nous rappelle que les généraux se moquent éperdument de la troupe, que les Occidentaux sont des cochons bien nourris tandis que « les talib’ vont au combat avec trois amandes dans l’ventre ! »…
D’une naïveté touchante, Piégé croit à fond dans son idée-concept, mais illustre celle-ci avec autant de mièvrerie narrative que d’absence de personnalité formelle.