C’est triste, un adolescent qui se suicide. C’est triste aussi les humiliations du groupe lorsque l’on a seize ans et que l’on se cherche. C’est triste un enfant qui pleure, la guerre, la maladie, la misère. Et pourtant, on n’arrivera jamais à l’être réellement, triste, devant ce flot d’images suresthétisées : entre deux panoramas sur des feuilles qui bougent et des flash-backs censés nous expliquer progressivement le malaise d’une classe d’âge, on s’ennuie ferme. Heureusement pas pendant 2h37.
« L’adolescence est le moment où il faut choisir entre vivre et mourir » : rien que cela. Dans le registre de la chronique adolescente, on aurait du mal à faire plus plat. Les personnages, tout d’abord, sont on ne peut plus caricaturaux. Dans la famille ado, on a Melody, pure, qui aime les enfants, les animaux, les Africains. On a évidemment le frère insupportable, le copain de lycée rejeté de tous parce qu’handicapé et celui qui découvre son homosexualité. Portraitiste d’une génération, Murali se veut au plus près de leurs préoccupations et de leurs désirs. C’est ainsi que l’un de ses protagonistes nous assène sa passion : « J’aime passer du bon temps. » À croire qu’un adolescent passe son temps à subir, terroriser ou fumer du cannabis.
Sous couvert de complexité et de réalisme, le réalisateur, scénariste, monteur et producteur a construit son film en flash-backs et apartés. On comprend donc peu à peu les liens amicaux ou rivaux qui unissent les élèves, ainsi que leur réelle personnalité (tout aussi plate que les images) : lors d’entretiens où Murali tente de documentariser son film, le « petit fait vrai » que pointait Barthes ne fonctionne jamais parce la caméra s’appesantit bien trop sur le sort de ses sujets. Elle tourne en permanence dans les couloirs du lycée, elle reprend sans arriver, jamais, à la cheville de Gus Van Sant, l’idée de la séquence démultipliée qui définissait Elephant, ni à celle du très beau Brick de Rian Johnson passé inaperçu cet été ; et lorsque l’image s’arrête enfin, elle fixe des personnages qui sont censés montrer leur vérité mais qui n’ont jamais rien à dire.
Ca parle beaucoup pourtant, de soirées où l’on vomit, de dragues plus ou moins ratées : les hommes parlent sexe, les filles maquillage, strings… comme tout le monde, n’est-ce pas ? On tente de respirer pendant les pauses mais on tombe sur des discours lénifiants sur la tolérance. Murali dédie ce film à une de ses amies qui s’est suicidée : on ne remet pas en question la peine d’un tel geste pour ceux qui restent, et l’incompréhension, et la culpabilité parfois. Mais le cinéma ne peut être qu’une simple thérapie. On ne retient rien de 2h37, à part l’ennui devant ces arbres mouvants et ces ados, faussement représentatifs et peu enclins à la réflexion. On ferme les yeux pour écouter Vivaldi et Satie, mais ça ne suffit pas pour rester accroché à un objet cinématographique sans intérêt.