Giorgio apprend la chute du Mur sous la pluie d’un pays d’Amérique centrale. C’est donc ce moment de désillusion qu’il choisit pour revenir en Italie et se reforger une nouvelle identité loin des tergiversations politiques. Mais un tel passé ne disparaît pas si brusquement, et notre héros a bien du mal à se refaire une virginité. Après Buongiorno, Notte de Marco Bellocchio ou le plus récent et réussi Romanzo Criminale de Michele Placido (qui joue par ailleurs dans Arrivederci Amore, Ciao), le cinéma italien qui parvient jusqu’à nous semble avoir bien du mal, hors Caïman de Nanni Moretti, à se pencher sur d’autres thèmes que celui des « années de plomb » ou de ses engrenages. C’est donc encore le cas ici, mais avec moins de rythme et de ferveur que les films susnommés n’en montraient.
Michele Soavi a fait ses classes dans le film d’horreur, et cela se sent. Il nous présente son intrigue dans une atmosphère de mousson tropicale où l’eau, filmée à la hauteur du regard, plonge celui-là dans des profondeurs purement émotionnelles, loin des faits historiques. C’est sans doute le plus gros défaut d’Arrivederci Amore, Ciao : son réalisateur a voulu à la fois créer une ambiance fantastique tout en dédiant la plupart des scènes à de la narration pure et à une dimension psychologique parfois lourde.
Giorgio est donc un ancien militant des Brigades rouges (ou d’un organisme affilié car son appartenance exacte restera floue) et vit en Amérique latine depuis que l’État italien a eu la mauvaise idée de le juger pour un attentat. Il monnaye un blanchiment juridique contre quelques noms de camarades d’autrefois, et parvient ainsi à rentrer dans son pays sans trop d’encombres. Le vrai film commence là : comment Giorgio va-t-il se construire une nouvelle vie ? Pas vraiment dans une légalité heureuse et béate. Car si le film de Michele Soavi dément la possibilité d’une reconversion pour ces anciens activistes, il ne s’intéresse pas non plus à l’Italie d’aujourd’hui. Ou si peu : quelques flics corrompus, un peu de violence luxueuse par-ci par-là…
On trouve cependant la volonté louable du portrait d’un homme, Giorgio donc, dans Arrivederci Amore, Ciao ; mais ce portrait est en permanence court-circuité par la pesanteur stylistique : les plans lents et rapprochés se succèdent, les expressions plutôt bien tenues par Alessio Boni (le mouton noir de Nos meilleures années) sont fardées par les lumières, toujours sombres, qui nous plongent dans une invraisemblable noirceur, la musique, lancinante et trop appuyée pour donner un réel rythme à l’action dramatique, et les ralentis arrivent bien souvent comme un cheveu sur la soupe. L’histoire elle-même n’est pas inintéressante, bien que déjà vue et revue, mais elle apparaît maintes fois comme le prétexte que le réalisateur a choisi pour parvenir à construire un film de genre. Pas de renouveau en vue, pas de choc cinématographique non plus. Le film se perd dans des méandres de forme qui ne conviennent pas à un scénario tourné vers l’étude humaine.
Reste que ce film, comme tant d’autres, est représentatif d’un certain cinéma italien, tourné vers le passé, le ressassement, beaucoup plus que la glorification comme cela peut être le cas en France : ni détestable, ni vraiment réussi, Arrivederci Amore, Ciao est un film aux allures de coups de poing pas assez cadrés et de comédies de mœurs un brin superficielles. Dommage, peut-être, mais on aimerait des sujets nouveaux, des visions nouvelles d’un pays en pleine évolution sociale et politique.