Inutile d’aller bien loin pour deviner quel est le genre préféré de Djamel Bensalah : après le très parlant Il était une fois dans l’Oued, le cinéaste français s’attaque enfin de front au western, par le biais du film pour enfants, où tous les héros sont joués par des acteurs de moins de douze ans, dans une ambiance reprenant un à un tous les clichés du genre. Rien de bien révolutionnaire dans la mise en scène, mais Djamel Bensalah a eu le bon goût de transmettre de saines valeurs. De quoi ravir petits et grands.
Big City, sa banque, sa prison, son école et son saloon. Jusqu’ici rien d’anormal dans cette cité tranquille du Far West, mis à part, peut-être, que tout le monde parle français (sauf lorsqu’il s’agit de rédiger une dictée sur l’histoire des États-Unis). Mais le jour où hommes et femmes doivent quitter la ville pour la protéger d’une attaque indienne, les enfants sont forcés de prendre le relais et de jouer (sérieusement) aux adultes. Chacun est alors sommé de remplacer père (ou mère) dans son métier, quel qu’il soit : institutrice, cow-boy, maire ou… entraîneuse de saloon.
Le concept fait merveille : montrer des enfants dans des situations auxquelles ils ne sont pas a priori préparés mais qu’ils parviennent pourtant à contrôler a fait le succès de nombreuses productions, l’un des modèles contemporains étant Maman, j’ai raté l’avion. Big City tient donc une partie de sa réussite à ce décalage bienheureux, peut-être un peu facile, reposant essentiellement sur la fraîcheur de l’interprétation enfantine. Les deux seuls adultes embarqués dans la galère (un alcoolique et un simple d’esprit) paraissent alors d’autant plus fades que les enfants prennent leur rôle à cœur : Eddy Mitchell semble ne s’être jamais remis d’une de ses dernières séances, et Atmen Kelif se ridiculise dans le rôle inversé de « l’adulte resté enfant ».
Si les enfants trouveront leur compte dans ce film intelligent où ils peuvent enfin directement se projeter dans la peau des héros, leurs parents ne seront pas en reste : Big City fourmille de références et de clins d’œil tout droits inspirés des westerns américains classiques tendance Lucky Luke. Le jeune héros James Wayne veut donner à son fils le nom de… John, les deux petits noirs de la bande s’appellent Independance et Jefferson, les quatre « méchants » s’habillent de costumes imitant le Ku Klux Klan pour dissimuler leurs méfaits, les Indiens attaquent la caravane par un mouvement de cercle inversé, et la cavalerie arrive toujours quand on l’attend le moins.
Big City n’atteint pas des sommets de burlesque, mais Djamel Bensalah ne laisse jamais la comédie tomber dans le grotesque : le rythme est soutenu, jamais ennuyeux. Le mérite en revient sans doute au scénario, qui n’évite pas les sujets qui fâchent. Avec son casting bigarré, composé d’un Italien flambeur, d’un Asiatique rigolo, d’indiens farouches mais courageux et de deux noirs esclavagisés, le message de Bensalah atteint tout droit sa cible : quand les enfants reprennent le métier de leurs parents, peuvent-ils éviter de reproduire les mêmes erreurs et changer le monde ? Plein d’espoir, le cinéaste conclut le film par la réconciliation entre des ennemis qui n’ont pas lieu d’être et la récompense de ceux qui ont su attendre. Ne boudons pas ce plaisir si simple.