La maladie mentale, c’est une tarte à la crème du cinéma d’émotion. Si l’on se souvient de la composition formidable de Dustin Hoffman dans Rain Man, il convient aussi de se rappeler de l’horrible L’Éveil, où s’étaient fourvoyés Robert De Niro et Robin Williams. Snow Cake parvient à surpasser ce film en matière de contre-performance larmoyante, malgré l’interprétation toujours impeccable d’Alan Rickman.
Alex Hugues est un homme triste. Il sort de prison, dans le nord de l’Amérique, là où la neige est belle et sert à justifier – vaguement – le titre du film, après y avoir séjourné pour le meurtre du responsable de la mort de son fils. Ronchon et solitaire, il prend malgré tout Vivienne, une jeune fille iconoclaste et sympathique, en stop. Lorsqu’elle meurt dans un accident, dans sa voiture, Alex décide de trouver la mère de la jeune fille, pour l’aider à surmonter le deuil. C’est alors qu’il découvre que celle-ci, Linda, est autiste.
Snow Cake, c’est un peu le film de la surenchère. Vous pensiez que ça s’arrêterait là ? C’était déjà suffisamment triste ? Que nenni, on en remet encore une couche ! À la mort d’un enfant répond la mort d’un autre ; à l’autisme médical de Linda, l’autisme social de Maggie, qui a le tort de coucher avec un peu trop de monde. La ville où séjourne Linda est remplie d’abominables péquenots (« Je sais tout de l’autisme, j’ai vu le film ! ») qui partagent leurs loisirs entre les ragots sur tout le monde, surtout Maggie, mais aussi Vivienne, Alex ou Linda.
Marc Evans, derrière la caméra, semble croire qu’il est le premier à découvrir les vertus esthétiques de la neige à l’écran, de sa valeur comme métaphore de la pureté. La caméra s’attarde sur les formes blanchies de la petite ville de Wawa, pour faire écho à l’obsession de la propreté nette de Linda. Dans un cas comme dans l’autre, tout cela n’est que vanité, et ce comportement angoissé – et angoissant – ne provoque qu’un sourire condescendant ; tandis que l’omniprésence neigeuse ne suscite que l’ennui. Le traitement – difficile – du deuil souffre de la volonté d’adopter le point de vue, purement dépassionné et objectif, de Linda. Peut-être le réalisateur voulait-il suivre les pas de l’auteur Mark Haddon dans son Bizarre Incident du chien pendant la nuit, où un narrateur autiste cherchait à résoudre le meurtre d’un chien avec un regard purement objectif. Mais hélas, là où le roman immergeait le lecteur dans cette vision étonnante, les multiples points de vue adoptés au long du film ravalent cet aspect de la narration au rang de simple curiosité.
Dans le rôle de Maggie, l’inexistante Carrie-Anne Moss atteint des sommets de rien cinématographique, à la hauteur de son rôle dans la saga Matrix. Sigourney Weaver, parfaite dans de nombreux rôles – de La Jeune Fille et la Mort à Blanche-Neige, en passant par les Alien – montre ici les limites de son jeu, avec une composition d’adulte autiste surjouée au possible. Alan Rickman, quant à lui, est toujours impeccable, dans le rôle apathique d’Alex, mais son interprétation ne sauve pas le film. Il promène son charisme tranquille tout au long du scénario, se demandant, manifestement agacé, ce qu’il est venu faire dans cette galère.
Assuré d’un succès dicté par la difficulté de son sujet, Snow Cake continue, hélas, la longue tradition des films tellement sombres et émouvants qu’ils estiment pouvoir s’affranchir d’une ambition artistique pour intéresser le public. Dépeindre la mort ou la maladie au cinéma n’est certes pas facile, mais s’en servir dans le seul but de susciter l’adhésion relève d’un comportement cinéphilique honteux, et artistiquement inexistant.