Le problème lorsque l’on devient un acteur reconnu et apprécié d’à peu près tout le monde, est qu’il devient difficile de ne pas accepter les rôles écrits sur mesure un peu trop évidents. C’est malheureusement le cas ici : pour son troisième film, Benoît Mariage laisse de côté très rapidement son ancienne représentation (parfois féroce) de la société belge pour tomber dans le road-movie plan-plan et romantique.
À la veille du lancement commercial de Noël, à l’heure où le froid pointe le bout de son nez et fait hiberner dans les salles obscures les amateurs de douceurs, on pourrait s’enthousiasmer d’un nouveau film de Benoît Mariage qui avait su être assez cynique pour être drôle et édifiant dans ses Convoyeurs attendent, et d’un rôle de journaliste raté pour Benoît Poelvoorde. Le scénario, sur le papier, est curieux : un journaliste spécialiste malgré lui de la sécurité routière tente de faire un grand retour dans la profession en retrouvant l’auteur et les victimes d’une ancienne prise d’otages, les uns comme les autres étant devenus ou restés des gens parfaitement ordinaires. Plongée dans le quotidien des gens normaux ou simple comédie sans prétention ? Dès les premières images, B. Mariage campe son seul et unique décor : Benoît Poelvoorde, ses pulls années 1980, ses lunettes de belge moyen et sa barbe de trois jours qui l’assimile davantage à un nain du jardin journalistique qu’à un intellectuel progressiste. Tout est faussement ordinaire : sa femme (Julie Depardieu, toujours juste mais s’est vue copier/coller son rôle et son couple de Podium), son boulot, son évolution… mais l’on oubliera jamais que derrière ce héros discret se cache un acteur toujours prêt à faire show de tout dialogue.
Podium, justement, parlons-en. Cowboy reprend exactement le même schéma narratif et scénaristique : Daniel Piron, un homme modeste (Benoît Poelvoorde / Benoît Poelvoorde), qui a une passion (Claude François / le reportage choc), une femme se sentant délaissée (Julie Depardieu / Julie Depardieu) et finira quand même par gagner plus ou moins, en maturité, en amour et en chanson (sur Julien Clerc / sur les Poppys). Une même question parcoure également les deux films : « Où commence l’estime de soi ? C’est dans la reconnaissance et la découverte de ses échecs ?» L’auteur de ces modestes lignes ne se prononcera pas sur la question. Le problème de ce genre de films, qui s’avèrent parfois sympathique donc, est qu’ils ne tentent aucune originalité cinématographique à partir d’une histoire vue, vue et revue. Là où Les convoyeurs attendent développait une idée de la conscience sociale particulière (celle de la volonté hargneuse d’élévation sociale qui se transformait en cruauté quasi tortionnaire), Cowboy reste très gentil. Quelques numéros d’acteurs ne suffisent pas à faire de ce film autre chose qu’une tentative de sketchs amassés : apparaissent ainsi un Gilbert Melki en ancien preneur d’otages révolutionnaire devenu homme entretenu, ou un Olivier Gourmet de passage pour une scène assez drôle mais trop ponctuelle pour entrer dans une idée générale du comique.
Rien n’est vraiment méprisable dans ce film, rien n’est vraiment non plus intéressant. Évidemment, Benoît Poelvoorde, capable aussi de dépasser son rôle topique dans des films comme Entre ses mains, est un bon acteur. Mais il se laisse aller à la facilité en acceptant souvent le même rôle. Personnages et situations prévisibles, caractères compris au bout de dix minutes… la présentation de chaque élément du film est rapide et très, trop, simple, et le développement l’est tout autant : Daniel Piron finit par retrouver tous les acteurs de la prise d’otages et part en bus pour un voyage ‑qui n’a d’initiatique que le nom- vers la mer, la libération, le souffle. Justement, Cowboy, malgré un titre censé représenter la croisade moderne de quelques êtres normaux, n’en a pas vraiment.