Si le titre du programme évoque la féerie infantile d’un coffre à jouets, l’émerveillement que suscitent les « trésors » de ces six courts-métrages tient de l’utilisation qu’en font les personnages : une paille pour jouer de la musique, une flûte comme instrument de communication, une luge pour une nouvelle expérience cinétique. Toute la malice de ces histoires est donc de transformer quelques objets à priori anodins en perle sémiotique — modifier leur signifiant — grâce à des personnages fantaisistes (un être minuscule, une fille-poule ou encore un nuage).
Signifiant et signifié
Comment communiquer avec l’Autre, là est la question principale de ce programme. Les schémas narratifs reposent quasiment tous sur un antagonisme, c’est-à-dire l’opposition entre deux individus/groupes. Les motifs sont simples à identifier : de grosses chaussures qui piétinent tout, une araignée, un dragon, pour montrer d’abord que l’Autre peut paraître mal attentionné avant de révéler sa nature bienveillante (la traditionnelle morale de l’habit et du moine). L’astuce du premier court-métrage, Le Petit Bonhomme de poche, est notamment de nourrir cet antagonisme par un judicieux choix graphique, où la perspective parait aléatoire (à l’image de l’habitat du nain, boîte minuscule à l’architecture intérieure disproportionnée et biscornue). Quoi de plus malin en effet que de se jouer de la perspective pour mettre en scène un point de vue limité (celui du nain, qui ne voit qu’à son niveau, donc les pieds des passants)?
Ce jeu géométrique, où la composition du cadre amplifie l’expression du film, rappelle le cinéma muet, puis ses premières excursions sonores. Conformément à leurs modèles, et aux premiers manifestes sur l’utilisation du son (notamment le célèbre « Contrepoint musical » co-signé Eisenstein, Poudovkine et Alexandrov), les films s’attachent à une forme de musicalité, plutôt qu’à un emploi uniquement illustrateur — particulièrement prégnant dans le troisième court, Le Dragon et la Musique, où la mélodie se transforme en adjuvant (elle aide à la communication et à l’identification des caractères).
Antagonisme
Dans ce retour aux sources techniques et esthétiques, Le Petit Bonhomme… parvient à générer des souvenirs cinématographiques (volontaires ou non), en évoquant notamment M le Maudit de Fritz Lang (qui fut aussi pour son auteur, avec Le Testament du Dr Mabuse, un laboratoire dans l’utilisation du son). Dans M…, l’épure sonore qu’opérait Lang permit une focalisation accrue sur le moindre détail auditif, notamment le sifflement du meurtrier. C’est ce sifflement, identifié par un vendeur de ballons aveugle, qui le trahira. Le Petit Bonhomme… emploie le même procédé : le géant destructeur, qui se révèle être aveugle, finit par identifier le petit homme à la musique qu’il joue. L’antagonisme est alors rompu, et la relation inversée, l’opposition s’estompant au profit d’une complicité. C’est ce principe simple, qui consiste à courber le récit et les éléments diégétiques — décors, perspective, accessoires, sons — pour y rapprocher les êtres selon leurs affinités (souvent, des goûts partagés pour une activité — couture, musique, sensations extrêmes) qui donne toute la saveur de ce programme.