Sorti en plein milieu de l’été, Hasta Mañana est d’emblée desservi par une campagne d’affichage trompeuse qui évoque une comédie estivale dans l’esprit de Nos jours heureux d’Éric Toledano et Olivier Nakache (la conception graphique des deux affiches est rigoureusement identique). On pourra pester une fois de plus devant l’insupportable paresse du distributeur, qui sous prétexte de donner ses chances au film en ratissant large via une campagne promo dont les codes visuels semblent acquis pour le public-cible, ne fait en réalité que le plomber. Rien de plus éloigné en effet que ce Hasta Mañana doux-amer, ancré dans une réalité sociale douloureuse malgré ses airs de fable, et la comédie de colonies de vacances du tandem Toledano-Nakache. Ici, les gags sont rares, et si les bons mots fusent parfois, ils sont enrobés d’une couche d’acidité qui laisse entrevoir la véritable ambition des deux jeunes réalisateurs, dont c’est le premier film.
Si Hasta Mañana met effectivement en scène un groupe d’ados, de pré-ados et les éducateurs qui les chaperonnent dans la campagne ensoleillée du sud de la France, on est loin de l’insouciance potache des colos : l’action se situe dans un foyer pour enfants, et l’humeur n’est pas franchement à la rigolade. Léo, le jeune héros, revient d’un séjour en hôpital psychiatrique ; sensible, rêveur, passionné d’écriture et de cinéma, il retrouve son meilleur ami, Nino, qui attend impatiemment que Léo termine enfin sa première nouvelle. Un matin, alors qu’il vient justement de mettre la dernière touche à son récit, Léo découvre que Nino a fugué. Au gré des lettres que celui-ci envoie à Léo au cours de son périple, son intention se dévoile : rejoindre Paris pour rencontrer Claude Lelouch, idole de Léo, et lui faire lire les écrits de son meilleur ami.
Lelouch, désir d’avenir ?
Hasta Mañana est de ces films que l’on aurait envie d’aimer et de défendre, bec et ongles : la sincérité d’Olivier Vidal et Sébastien Maggiani, les deux réalisateurs (très jeunes : Maggiani n’a que 18 ans), ne fait aucun doute. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, et le film se prend très vite les pieds dans le fil de ses ambitions. Les meilleurs films sur l’enfance requièrent un dosage minutieux qui ne souffre pas l’approximation ; la mièvrerie et l’angélisme guettent à chaque plan, et les deux cinéastes tombent dedans la tête la première. Entre fable aux relents de récit initiatique et chronique du quotidien en foyer, Hasta Mañana voudrait trouver le bon équilibre mais, en dépit de la justesse de ses jeunes comédiens, passe à côté de son sujet. Il n’y a pas grand-chose de crédible, d’emblée, dans cette admiration (jamais expliquée) du jeune héros pour Claude Lelouch, dont les films ne parlent plus à personne depuis longtemps. Pas grand-chose de convaincant non plus dans ce scénario à tiroirs, dont les ficelles sont si grossières qu’on devine très vite jusqu’où elles veulent nous mener. Et, en dépit de quelques jolies scènes entre les enfants et les éducateurs ou psychologues qui les accompagnent, le contexte social sur lequel repose tout le film est bancal, souvent plombé par une tendance à la sensiblerie et malmené par un montage hésitant, trahissant une cruelle absence de vision de la part des réalisateurs. Qui trop embrasse mal étreint, et à vouloir explorer une multitude de sujets, Hasta Mañana les survole maladroitement. Mais Olivier Vidal et Sébastien Maggiani ont un désir de cinéma si fort qu’il serait dommage que ce coup d’essai, malgré ses maladresses, ne leur donne pas la possibilité de creuser leur chemin.