La forme de divertissement que procure Honey 2 – Dance Battle est de celles qui ont tendance à prendre peu à peu un goût amer. Il est facile de se laisser bercer – ou plutôt secouer – par un tel récit, mais son efficacité repose sur des tactiques si dénuées de noblesse que c’est là un plaisir presque coupable.
Honey 2 n’est pas vraiment la suite de Honey, mais plutôt une deuxième production à partir d’un même moule. Plus, donc, de Jessica Alba à l’horizon, c’est cette fois Katerina Graham qui va vivre une success-story semée d’embûches. Son charmant petit ami Luis lui ayant fait porter le chapeau pour un délit dont il était coupable, la jeune Maria est contrainte de passer quelque mois dans une prison pour mineurs. À sa sortie, elle tente d’éviter les ennuis inévitablement liés au 718, le crew de danseurs dirigé par Luis dont elle faisait jadis partie. En travaillant comme femme de ménage dans l’école de danse de la Honey du premier volet, elle rencontre bientôt un groupe de danseurs qu’elle prend en main dans le but de battre le 718 (et donc de se venger de son petit ami et de ses acolytes délinquants) dans l’émission télévisée « Dance Battle Zone ». On ne peut donc pas dire que le scénario évacue totalement la dimension sociale associée aux pratiques de street dance, mais celle-ci est instrumentalisée avec une telle lourdeur qu’il eût été préférable qu’il s’abstienne de s’aventurer sur ce terrain.
Le film est à l’image de son actrice principale : il table sur l’énergie plutôt que de chercher à dépeindre une quelconque forme de réalité – psychologique, émotionnelle, sociologique… Katerina Graham a trois expressions faciales, mais une présence néanmoins captivante qui a ici tout le loisir de se déployer. Qu’elle passe la serpillère, mange une pizza ou démontre à son nouveau crew ses talents de danseuse, le mélange entre la vulgarité irrépressible de l’actrice et la détermination du personnage produit un résultat qui peut fasciner. On notera au passage que l’impact du male gaze sur le casting est ici évident, car si ses camarades féminines dégagent chacune une présence intéressante, le blond jeune homme qui séduira l’héroïne possède lui, comme par hasard, un charisme proche du zéro.
Pour obliger le spectateur à s’intéresser à l’histoire lourdement morale qu’il a entrepris de raconter, Bille Woodruff a recours aux méthodes les plus basses : outre le sex-appeal de l’actrice principale, l’efficience du film repose presque exclusivement sur le rythme, aussi bien narratif (les rebondissements s’enchaînent sans arrêt) que plastique – la durée moyenne des plans devant se situer au dessous de deux secondes –, le tout enrobé d’une bande-son constituée de tubes du moment.
À condition d’avoir un certain goût pour l’observation du déchaînement d’énergie totalement gratuit que représente un tel type de danse, et malgré la présence contre-productive du contenu moral, on peut donc prendre plaisir à ce mitraillage d’images. Mais l’on risque également de ressentir à un moment ou un autre une certaine tristesse face au manque d’ambition absolu que le film manifeste. À aucun moment il ne cherche à être autre chose que l’application d’une recette qui a fait ses preuves. Cela est particulièrement sensible au niveau du scénario : chacun des personnages est schématiquement défini par quelques traits rapidement identifiables, facilitant l’identification de n’importe quel spectateur-cible à l’un ou l’autre d’entre eux. La trame narrative ne nous épargne aucun lieu commun, mais ce sont encore les dialogues qui impressionnent le plus puisqu’ils sont exclusivement construits à partir de répliques éculées (pour certaines, le mot est faible). On aimerait attribuer cela à une forme d’audace mais soyons réalistes, il faut plutôt y voir le signe d’un mépris absolu de l’intelligence du public.
L’écriture et la réalisation de Honey 2 obéissent en somme à une seule devise : « ne zappez pas ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Bille Woodruff est d’abord et surtout réalisateur de clips, et si le film intègre dans toute sa dernière partie la version fictionnelle d’une émission télévisée réelle. Sans vouloir égaler son propre manichéisme, on se dit qu’à un objet ayant vocation à être consommé plutôt que regardé, l’appellation de « produit audiovisuel » conviendrait mieux que celle de « film ».