On connaît la chanson : malgré l’expérience, il faut le regard neuf et enthousiaste d’un Jeune pour sortir un Vieux de la stase prudente dans laquelle la vie l’a plongé. L’argument date de Mathusalem, et, malgré un personnage principal de Vieux plus subtil qu’à l’accoutumée, ce n’est pas Hôtel Transylvanie qui va le révolutionner. La continuité dans le changement, en somme.
Le Comte Dracula est un homme (un vampire) meurtri. Son épouse (vampire également, semble-t-il) lui a été ravie par des villageois malveillants, pourvus de torches et de fourches comme il se doit. Fort heureusement, il lui reste la jeune et jolie Mavis qui, à l’âge de 118 ans, en paraît 18. Ils vivent tous les deux dans l’Hôtel Transylvania, place forte reculée interdite aux mortels, ces monstres vampiricides, et qui va accueillir, pour l’anniversaire de la petite, toute la fine fleur de la monstruosité. Problème : un jeune humain imbécile blasé n’ayant peur de rien va se pointer et mettre en danger la prudente propagande soutenue par le vieux vampire, selon laquelle les humains sont des brutes dangereuses. Il n’en faut pas plus pour tournebouler la jeune Mavis…
Nous sommes donc en terrain connu : le Vieux, c’est notre bon Dracula, inconsolable veuf humanophobe, le Jeune, Jonathan, bonne volonté, sac à dos rempli de chaussettes puantes et gadgets technologiques à foison. Le second va montrer au premier son erreur : les humains sont devenus gentils, si si. Hôtel Transylvanie ne s’embarrasse pas de scrupules narratifs : l’important est de s’attacher son public cible, les Jeunes qui n’ont de cesse de montrer à leurs Vieux à quel point ils sont coincés dans le passé, et qu’ils ont la solution à tous les problèmes : « laisse couler ». Pour preuve, la jeune Mavis est interprétée vocalement par Selena Gomez, idole ado, compagne occasionnelle de la mèche de cheveux la plus connue de la planète, Justin Bieber (Miley « Hannah Montana » Cyrus ayant un temps été annoncée pour le rôle). Pour le reste, Hôtel Transylvania passe consciencieusement à côté de son idée-gimmick de réunir la gent monstrueuse : elle suffit cependant à remplir le cahier des charges magique dû à la génération Twilight / Harry Potter.
Pourtant, parlons-en, de Twilight. Face à un écran diffusant l’un des films de la saga, Dracula soupire, mélancolique et rageur : « c’est ainsi qu’on nous représente ? Je n’y crois pas… » – une petite pointe d’humour mordant, comme de juste me direz-vous, à l’image des quelques bonnes idées qui parsèment Hôtel Transylvanie. On peut ainsi se réjouir du personnage du loup-garou, papa fatigué d’une smala incontrôlable, mais surtout de celui de Dracula. Loin d’obéir aux codes du récit de jeunes-contre-vieux, il apparaît tolérant, intelligent et attentif – un personnage plutôt inédit, intéressant, et presque tragique.
Hélas, cet étonnant choix d’écriture (Adam Sandler, l’interprète vocal, est en revanche tout à fait décevant) semble bien seul dans l’océan de médiocrité assumée du reste du film. Formellement, celui-ci sacrifie aux nécessités de la 3D avec moult effets de profondeur sans intérêt, et ne va pas plus loin. En revanche, le catalogue des accroches pour Jeunes est bien rempli, sans la moindre nuance. Hôtel Transylvanie est un produit calibré au millimètre près pour plaire à son public-cible, ce qu’il fera sans aucun doute. Les autres passeront leur chemin.