Cinq ans après Walkyrie, Bryan Singer revient au grand écran pour un conte de fées gonflé à l’action et à la 3D. Surprenant ? Pas vraiment – après tout, la saga X‑Men relève bien, à sa manière, du fantasmagorique. Avec son Jack chasseur – ex-tueur, mais plus maintenant : tuer, c’est mal – de géants, Bryan Singer fait montre d’une candeur ironique qui n’est pas sans évoquer le merveilleux Princess Bride. Tant pis si ça ne tient pas la route jusqu’au bout : c’est déjà ça.
Ainsi, la première partie du film va de ravissement en ravissement : d’une part, le jeu de montage du prologue semble amuser follement le réalisateur, qui jouit visiblement à monter bout-à-bout deux scènes d’enfance simultanées entre la petite fille du roi et le petit garçon du métayer, unis par leur amour des histoires de géants. Le réalisateur se substitue aux prétextes issus des contes : le voilà qui fait se rejoindre, dès les premiers instants, nos deux protagonistes, évidemment voués à se retrouver une fois atteinte l’adolescence, pour une Grande et Belle Romance qui se Joue des Contraintes Sociales. Et pourquoi ? Pour la beauté du conte ! Restons-en là, cela suffit amplement.
La suite confirme ce qu’on entrevoyait déjà : Bryan Singer aime les contes adaptés au cinéma, et plus particulièrement le Princess Bride de Rob Reiner. Il va donc présenter par le menu une galerie de personnages archétypaux, toujours le sourire en coin, habités par l’ironie tendre qui animait déjà Wesley, Bouton d’or et le vil Humperdinck. Nous voilà donc avec le beau jeune homme pauvre, et la jolie jeune fille riche, le vil chambellan comploteur et son sinistre conseiller, le roi digne en toutes circonstances malgré les allures de boîte de conserve de son armure, et le chevalier servant grandiose malgré une coiffure à faire pâlir Orlando Bloom dans Les Trois Mousquetaires 3D.
Les scènes d’exposition donnent l’occasion à Ewan McGregor (la banane capillaire improbable), Stanley Tucci (le chambellan suprêmement vil), Ewen Bremner et Ian McShane d’en faire des tonnes dans l’arrière-plan, pendant que Nicholas Hoult (clone de Robert Pattinson aussi peu expressif que dans l’inepte Warm Bodies) et Eleanor Tomlinson se content fleurette – et à Bryan Singer de faire son Princess Bride à lui, avec même un peu de la sincérité chaleureuse qui habite le film de Rob Reiner. Un peu seulement : une fois l’action réellement déclenchée (les géants débarquent), le film perd son beaucoup de son ton badin pour donner dans l’efficacité pure – et annihile de ce fait une grande partie de son charme.
Énorme faute scénaristique, la scène de bataille est tout sauf crédible (une poignée d’humains contre autant de géants, qui va tirer le plus fort à la corde, d’après vous ?), d’autant plus que le réalisateur lorgne ostensiblement du côté des Deux Tours de Peter Jackson, sans parvenir pour autant à donner à ses scènes un véritable souffle épique. Le passage de Bryan Singer à la 3D – probable test avant la mise en chantier de X‑Men : Days of Future Past en 2014 – est plutôt pertinent : les différences d’échelle entre les personnages justifiant le procédé. Cela ne va pas, pour autant, plus loin que les sensations de fête foraine.
Semble-t-il contraint de verser, finalement, dans le film à grand spectacle, Bryan Singer délaisse à la moitié du film l’opportunité de réaliser une comédie référentielle subtile et ironique au profit d’une grosse machine pétaradante. Tant pis : il faudra savoir s’en contenter, d’autant plus que les qualités narratives de la première moitié du film sont la marque d’un raconteur d’histoire talentueux et qui sait ne pas se prendre au sérieux.