Lily est en manque d’amour depuis la disparition de Loïc, son frère jumeau. Ses parents lui racontent la dispute qui a causé sa fuite, mais l’adolescente ne comprend pas le silence de ce frère et meilleur ami. Le vide affectif va alors la faire tomber dans la maladie, la dépression, dont un ange gardien, puis la vérité, la feront sortir. Après Mademoiselle, et, plus récemment, L’Équipier, Philippe Lioret garde un certain sens de l’émotion, notamment grâce à une direction d’acteurs bien choisis, mais s’encombre de trop de fioritures scénaristiques et esthétiques pour ne pas tomber dans la lourdeur du genre.
Lily a dix-neuf ans. Elle est belle, gracile, intelligente. Elle rentre d’un séjour linguistique en Espagne où elle a rencontré une future amie, Léa. Et, sur le quai de la gare, au moment où elle rencontre le fiancé de celle-ci, Thomas, ses parents lui annoncent la nouvelle disparition de Loïc, ce frère si proche. Un homme sort de sa vie pour laisser la place à un futur amour. Le parallèle est facile, obligatoire, mais on ne s’en choque pas plus que cela. Tout d’abord parce que l’histoire de Philippe Lioret semble au départ bien ficelée : Lily va chercher à comprendre, en se perdant elle-même, par l’anorexie, la dépression, l’oubli de soi quand l’autre est parti. Ensuite parce que Philippe Lioret s’entoure de comédiens talentueux : Mélanie Laurent remplit à peu près son rôle de jeune fille perdue et éperdue, tandis que Julien Boisselier, sans finesse aucune, parvient quand même à rendre crédible son personnage d’amoureux prêt à attendre que l’orage passe. Mais c’est surtout Isabelle Renauld, qui joue la mère de Lily, et Kad Mérad, son père, qui tiennent le haut du pavé. Malgré ses cernes de mère qui souffre en silence, elle est lumineuse, et la puissance de ses regards nous fait regretter l’absence trop prononcée de l’actrice dans le cinéma français. Et Kad Mérad, souvent cantonné aux rôles de bouffons, reste sobre dans la peau du père incompris et salutaire.
La coquille est donc jolie d’apparence. Sans prétention, mais agréable. Seulement voilà, Philippe Lioret utilise beaucoup trop d’armes pesantes pour faire de son drame un film qui dépasserait le seuil du regardable. La musique, d’une part, est omniprésente, comme pour souligner une émotion qui pourrait exister d’elle-même, mais autrement. La scène où Lily découvre la chanson que son frère lui a composée avant de disparaître en est témoin : pourquoi la mettre si fort, et pourquoi faire pleurnicher Mélanie Laurent, la faire crier si souvent ? C’est un personnage absent, en attente de renaissance, non dans la démonstration de sa douleur. Si la jeune actrice arrive à placer quelques répliques justement, son errance est appuyée, emphatique, et empêche à ses larmes de transmettre une quelconque violence.
D’autre part, on ne comprend pas la multiplication des plans dans certaines scènes, notamment en ville : la caméra de Philippe Lioret est partout, et nulle part. La volonté de celui-ci de montrer tout l’environnement de la jeune fille, dans son pavillon de banlieue, dans les villes qu’elle parcourt, la volonté de souligner chaque regard, chaque expression devient rapidement lassante. L’abondance des plans en tous genres, gros plans, panoramas, plans rapprochés, travellings, fait naviguer le film entre divers genres cinématographiques : certaines séquences prennent le ton du thriller pour revenir ensuite à la comédie de mœurs la plus banale qui soit. On n’a rien contre les mélanges, mais ils deviennent vite confusion dans Je vais bien, ne t’en fais pas.
Philippe Lioret a voulu faire un film sur la famille que l’on se crée, celle que l’on a idéalisée ou celle que l’on a perdue. Son film contient quelques moments d’émotion sans tenir sur la longueur, la faute à trop de subterfuges dramatiques avant l’explosion de la vérité, la faute à trop d’éparpillements cinématographiques. Même dans sa famille d’acteurs il ne réussit pas à faire l’unité, tant, une nouvelle fois, Isabelle Renauld et Kad Mérad sont au-dessus du panier. Une jolie coquille donc, mais un peu vide.