Réalisateur connu pour ses multiples apparitions en caméo et ses comédies plus ou moins faciles, Frank Oz est aussi le réalisateur du plutôt délirant La Petite Boutique des horreurs, où se mêlaient humour noir et mauvais goût bête et méchant. Joyeuses funérailles, pourtant, reste une comédie juste honnête en deçà de ses possibilités. Mais pas seulement…
Daniel et son frère Robert, expatrié aux USA, se retrouvent à l’occasion des funérailles de leur père, et en compagnie de leur mère, de leur cousine Martha venue annoncer à son père outré son mariage avec son fiancé, et d’une kyrielle de cousins et amis pittoresques. Lorsque l’un d’entre eux se révèle être dealer de drogue et avoir perdu son stock, désormais consommé par les invités, la situation ne va pas fort. Mais lorsque un nain approche les deux frères pour leur dire qu’il a été l’amant de leur père et les faire chanter, tout dérape vraiment.
Frank Oz est un nom surtout associé à ses comédies d’un goût plus ou moins douteux et d’un intérêt du même acabit (In & Out, L’Indien du placard, Et l’homme créa la femme…). Cela étant, on ne peut reprocher au réalisateur de donner dans l’humour prude, et dans Joyeuses funérailles, il faut bien reconnaître qu’il égratigne gentiment le politiquement correct (le personnage du vieil oncle acariâtre handicapé qui est un must du mauvais goût et de la méchanceté gratuite, le dragueur de service devant qui il suffit de brandir le mot « responsabilité » pour qu’il fuie en courant, le « méchant » de l’histoire est un nain fétichiste homosexuel et maître chanteur…) Heureusement, Oz sait épargner à son film de tomber dans la caricature la plus extrême, mais cela ne fait pas un bon film, cependant. Joyeuses funérailles égrène les situations improbables plus ou moins drolatiques et les gags plus ou moins réchauffés à un rythme soutenu, remplissant le cahier des charges d’une comédie irrévérencieuse « à l’anglaise » juste moyenne, et sans vraiment de génie.
Si ce n’est que, une fois de plus, Frank Oz, avec ici à ses côtés le scénariste débutant Dean Craig, retrouve une thématique sympathique, et qui lui est propre : la vacuité du mâle par rapport à la femme. Car ici, ces messieurs courent, hurlent, se déshabillent, crachent, manquent se battre, s’insultent, sous les yeux de personnages féminins présentés sans ambiguïté comme les seules personnes responsables (Martha qui essaye de sauver son mariage futur avec un fiancé drogué malgré lui ; la veuve qui essuie commentaires malséants après remarques blessantes sans s’effondrer ; Jane, la femme de Daniel, qui maintient la cérémonie à flots alors que son mari ne cesse de vouloir la laisser de côté…) Alors que les personnages masculins sont évidemment, de par leurs constantes gesticulations, les moteurs de l’action comique, la sympathie du réalisateur pourtant va à ces trois personnages. Déjà, dans son précédent film Et l’homme créa la femme, Oz montrait une préférence pour ses personnages féminins, avec en filigrane une apologie de l’indépendance de penser dans une Amérique banlieusarde qui ne voudrait de femmes que les parfaites cuisinières affriolantes et décérébrées de la petite ville de Stepford.
Alors, Frank Oz, cinéaste social grand défenseur de l’indépendance de la Femme ? N’exagérons rien. Cela étant, dans une comédie honnête mais mineure, animée par des acteurs masculins corrects mais vite oubliés, trouver une constante volonté discrète mais réjouissante de mettre en avant des personnages féminins qui se démarquent du ton gaillard du film est une irrévérence bienvenue, le petit clin d’œil sympathique qui différenciera Joyeuses funérailles de la myriade de comédies sans âmes qui envahissent les écrans.