Réalisateur du remarqué Simon Werner a disparu et de la plupart des épisodes de la série Les Revenants (dont il était également le créateur), Fabrice Gobert était attendu au tournant pour son second long-métrage. On espérait y retrouver le talent du réalisateur pour installer un univers peu habituel dans le cinéma français, à la lisière du fantastique mais ancré dans un environnement familier. Une sorte de réalité légèrement distordue, triturée, un goût pour l’étrange et pour sa faculté à révéler les aspects les plus sombres de notre quotidien. Peine perdue : énorme ratage, K.O. est moins le thriller méta qu’il prétend être qu’une pénible tentative de reproduire l’univers cinématographique d’une influence écrasante (David Fincher) sans jamais en égaler la maestria.
Tête à claques
K.O., c’est l’histoire d’Antoine (Laurent Lafitte, dont le jeu se résume essentiellement ici à tirer la tronche), un producteur télé arrogant, cynique et cruel qui méprise son épouse, ses collaborateurs et le monde entier de manière générale. L’homme est tellement détestable et odieux qu’il finit par se faire tirer dessus par un collègue présentateur qu’il a poussé à bout. Lorsqu’il se réveille à l’hôpital après un long coma, Antoine se rend progressivement compte que tout a changé, comme s’il était à la fois lui-même et un autre : si sa propre identité et celle de son entourage sont les mêmes, les rôles de chacun semblent avoir été redistribués, et ce depuis toujours… Pour ne pas sombrer dans la folie, Antoine va tenter de comprendre ce qui s’est passé et quelle réalité est la bonne.
Il faut quand même oser « inventer » un scénario qui emprunte de façon aussi éhontée au réalisateur américain et en particulier à deux de ses films : le génial et méconnu The Game (1997) et le suivant, plus « culte » mais moins intéressant, Fight Club (1999). On ne fera pas à Fabrice Gobert le même procès que celui intenté à De Palma dans les années 1970 lorsque celui-ci pillait allègrement chez Hitchcock pour alimenter son propre cinéma, twistant les marottes du Maître pour créer une œuvre folle et gigantesque ; on aimerait que Gobert en fasse tout autant, mais si Fincher n’est pas Hitch, Gobert est encore moins De Palma et K.O. évoque plus le pastiche pénible que l’hommage inspiré. Dans The Game, Michael Douglas incarnait un puissant homme d’affaires, froid et désabusé, qui recevait de la part de son frère, pour son anniversaire, un étrange cadeau : une sorte de jeu grandeur nature tournant rapidement au désastre et déconstruisant méthodiquement tout ce qui constituait sa vie.
Encéphalogramme plat
On retrouve dans K.O. exactement le même type de personnage, plongé dans un événement irrationnel et plus grand que lui, qui consiste à le déposséder de tout ce qu’il a acquis pour le forcer à se confronter à sa propre vacuité. Ici, Antoine découvre tout à coup qu’il n’est plus le tout-puissant producteur qu’il était avant son accident, mais un simple présentateur météo ; sa femme Solange (Chiara Mastroianni) est désormais la compagne du collègue qui a tenté de l’assassiner ; sa timide assistante (Zita Hanrot, révélée dans Fatima de Philippe Faucon) est devenue une monstrueuse femme d’affaires ; etc. Le jeu de rôles est amusant deux minutes, mais Fabrice Gobert n’en fait pas grand-chose de consistant, se contentant de faire évoluer son personnage (si antipathique du début à la fin que l’on peine à s’intéresser à son parcours) dans un univers totalement désincarné, entièrement factice. Le film entier se traîne péniblement d’une péripétie à l’autre, obligeant le spectateur à subir des scènes atones, qui ont toujours deux trains de retard sur ce que l’on a déjà vu venir depuis belle lurette. L’introduction inutile et grotesque d’un « fight club » dans lequel le héros vient se défouler donne l’impression d’arriver comme un cheveu sur la soupe et l’on en vient à se demander si Gobert va aussi ramener un personnage qui tue selon les sept péchés capitaux, afin que l’hommage soit quasi complet… Lorsque le dénouement arrive, archi-prévisible, il ne reste plus grand-chose à sauver de ce film dénué de toute empathie, aussi glacial et creux que son personnage.