En voilà, un titre martial, lapidaire – et un titre qui fait appel aux références politiques directes de son auditoire. Autour de la notoire prise d’otages de l’avion d’Air France par le GIA, Julien Leclercq réalise avant tout un film sur la raison d’État. Une pente idéologique glissante, sur laquelle le réalisateur se maintient relativement bien, avec des prises de position artistique singulières.
Du 24 au 26 décembre 1994, le GIA prend en otage un avion d’Air France, sous le prétexte de demander la libération de camarades de lutte emprisonnés. Alors que les équipes du Premier ministre Édouard Balladur se penchent sur l’affaire, les hommes du GIGN se préparent à l’assaut.
Julien Leclercq se préoccupe plus du prologue de l’assaut à proprement parler. L’assaut lui-même, on s’en souvient bien : les hommes du GIGN abattus devant les caméras, la couverture hautement sensationnaliste des médias en direct… La représentation centrale de ce moment ne semble pas autant intéresser Julien Leclercq que tout ce qui l’entoure. Le film fait le lien – évident – entre cette prise d’otage et les attentats du RER de la station Saint-Michel, quelques mois plus tard, et, par ce biais, avec la situation de l’occident face au terrorisme.
Il est ainsi intéressant de comparer le Vol 93 de Paul Greengrass à cet Assaut. Là où le réalisateur de Bloody Sunday penchait vers l’introspection dans la psyché des terroristes du 11-Septembre, Julien Leclercq multiplie les pistes : les terroristes eux-même, avec une reconstitution de la prise d’otage ; le quotidien et le fonctionnement du GIGN ; et les intrigues de cour, black-ops et autres plongées dans les méandres de la diplomatie de l’ombre orchestrée par les services du cabinet Balladur.
Paul Greengrass a‑t-il voulu apporter un semblant de réponse aux questions d’Américains traumatisés ? Le propos de Julien Leclercq est plus froid, plus clinique (le réalisateur persiste dans le grain bleu-gris de son précédent Chrysalis, un style bien adapté aux moments passés au sein du GIGN, peut-être moins à ceux passés en barbouzeries étatiques et en scènes familiales). Il renoue avec la tradition des polars de l’ombre, de la tradition narrative paranoïaque et ténébreuse de la raison d’État. L’Assaut, comme l’assaut, laisse de nombreuses victimes sur le carreau : Julien Leclercq semble vouloir dénoncer les machinations d’un appareil d’État qui se maintient les pieds dans le sang (le sang de ses ennemis comme ceux de ses serviteurs, quitte à les oublier aussitôt après) – sans oublier, au passage, de se sucrer sur la bête, comme le montre l’arrivisme du personnage de Carole Jeanton.
Le sérieux de sa démarche semble dépendre, pour le réalisateur, d’une certaine froideur à l’égard de son sujet, de l’adoption d’une mécanique de mise en scène et de montage dont la rudesse déroute – une proposition cinématographique où l’univers du réalisateur semble cependant plus pertinent que dans son précédent Chrysalis. Julien Leclercq eût-il donné dans le lyrisme, eût-il explicité, héroïsé ses gendarmes du GIGN, on eût volontiers crié au film à thèse, plus manipulateur encore que ce qu’il est déjà. La forme adoptée sied-elle mieux à son sujet ? Le film constitue cependant un essai intéressant, une proposition réfléchie de représentation de l’acte terroriste au cinéma – une problématique autour de laquelle le cinéma ne cesse plus de tourner, sans réellement se focaliser. Que Julien Leclercq, certes maladroitement, tente d’appuyer un peu plus là où ça fait mal est tout à son honneur.