Quelques mois après la sortie des Immortels de Tarsem Singh, il fallait remettre les pendules à l’heure : le blockbuster mythologique kitsch se doit d’être la chasse gardée de la franchise des Titans, reboot version XXIème siècle. Qu’on se le dise : on est bien loin ici des (vaines) tentatives esthétisantes du réalisateur de The Cell. Avec la saga de Persée version Sam Worthington, on est avant tout là pour voir des bastons… titanesques et de la 3D qui en met plein les yeux. C’est peu demander : heureusement que ce second épisode tient mieux ces maigres promesses que son navrant prédécesseur.
Prenons les Dieux en pitié. Tout le monde peut changer, évoluer, admettre ses erreurs, agir par rapport à elles. Virer Louis Leterrier, navrant tâcheron aux commandes du Choc des Titans, au profit de Jonathan Liebesman, navrant tâcheron à peine sorti de Battle : Los Angeles, c’est indéniablement un changement salutaire. Au moins, les scènes d’action sont lisibles à peu près la moitié du temps, ce qui est, tout de même, un notable progrès.
Prendre son temps pour tourner le film en 3D est également une bonne idée : on se souvient de la façon dont le premier épisode avait été la risée de son auditoire, retaillé pour la 3D à la va-vite pour créer l’événement. Ce qu’il fit, bien malgré lui, suscitant rires narquois et maux de têtes carabinés dans les salles le projetant. Bien plus soignée, cette Colère des Titans ne révolutionne pas l’utilisation de la 3D, loin s’en faut. Pour autant, ses effets semblent intéresser Liebesman, qui ose quelques idées de mise en scène 3D acceptables – un progrès qu’il convient de souligner lorsqu’on garde à l’esprit la débâcle esthétique de Battle : Los Angeles.
Prenons les Dieux en pitié. Eux seuls sont prisonniers de leur personnage. Eux seuls ont des traits de caractère dont ils ne peuvent se défaire : prenez ce malheureux Hadès. Dieu grec des morts, le voilà pourvu, aux yeux de ses scénaristes américains d’une vilenie atavique. Normal : à Hollywood, un Dieu de l’au-delà, c’est pas sympa. Méchant en titre du premier film, revoilà donc Hadès aux commandes d’un complot qui verra, bien sûr, le monde et l’Olympe dévasté par Chronos, le Titan père de Hadès, Zeus et Poséidon – et trahi par ses charmants bambins. On comprend sa colère, notez. Et revoilà également ce bon Zeus, toujours aussi peu à l’aise dans sa barbe postiche et son armure plastique, toujours incapable d’apprendre qu’il faut se méfier de son frère du monde d’en-dessous.
En somme, rien ne change en Grèce mythique. Persée-Worthington est toujours aussi atone, personnage créé autour d’une ligne unique, son attachement à l’humanité opposé à la toute-puissance des Dieux. Mais bon, la série des Titans étant avant tout une adaptation officieuse de la série de jeux vidéo God of War, nul n’est besoin d’en faire trop côté scénario quand on a son quota de bastons épiques (non, pas « homériques », un peu de respect pour Homère, que diable !).
En guise d’inspiration, Jonathan Liebesman semble avoir pioché du côté du Peter Jackson du Seigneur des anneaux : on retrouve notamment les sempiternels plans larges-panoramiques à la musique lyrique. Certaines idées souffrent d’un autre côté d’un manque de savoir-faire évident : voir pour cela les asthmatiques scènes de batailles finales, sur lesquelles planent l’ombre des batailles rangées du Retour du roi, ou l’intégralité du personnage d’Héphaïstos, combinaison ratée de Gollum et de Gandalf.
C’est dans l’atelier de celui-ci que l’on retrouve, parmi de multiples merveilles, la chouette mécanique, clin d’œil aux créations de Ray Harryhausen dans le Choc des Titans original. Dans le premier épisode reboot, Sam Worthington envoyait valser le petit animal : on n’en aurait pas besoin. Ce second épisode semble vouloir revenir sur le mépris choquant pour le film original que cette séquence induisait. Bill Nighy/Héphaïstos en fait des tonnes pour justifier la présence de la chouette à l’écran – en vain, hélas. Mais la tentative est méritoire.
On ne peut pas reprocher à Jonathan Liebesman ses quelques tentatives de tirer son blockbuster vers le haut – le talent n’est, hélas, au rendez-vous. Moins totalement raté que son premier épisode, La Colère des Titans étouffe cependant sous le cahier des charges imposé par son budget. Résultat : une attraction de fête foraine pour le prix d’une place de ciné.