… c’est qu’on n’a vraiment plus rien à se dire ! Poursuivant, après Les Enfants de la pluie, une carrière qui prend des allures de bulletin météo, le réalisateur Philippe Leclerc accumule avec La Reine soleil les poncifs les moins reluisants d’une certaine animation à la française.
Il y a quelque chose de pourri au royaume d’Égypte. Tandis que sa femme Nefertiti s’exile loin de lui et du siège du pouvoir, le pharaon Akhenaton se perd dans la quête mystique de son dieu, Aton — le soleil. Alors que les barbares hittites pillent le pays, Akhesa, fille du pharaon, évente un complot ourdi contre son père. Accompagné du jeune prince Thout, elle fuit pour retrouver sa mère et sauver l’Égypte.
Christian Jacq, romancier « historique » au succès et au tirage pharaoniques, adapté pour la première fois au cinéma via l’animation ? C’est là la seule surprise suscitée par cette Reine soleil pas vraiment rayonnante. Le second film de Philippe Leclerc tend à vouloir trop bien faire, à ménager la chèvre et le chou. D’un côté, il semble vouloir adopter une approche qui se veut fidèle à la réalité du mysticisme égyptien. De l’autre, il affecte une obédience servile aux codes des succès d’une animation sans envergure artistique et de sinistre mémoire.
Choisissant un graphisme épuré à l’extrême, Philippe Leclerc tourne le dos à ce qui faisait le charme de son premier film, Les Enfants de la pluie, aux visuels hérités de sa collaboration avec René Laloux sur Gandahar. Le traitement visuel des personnages comme celui des bâtiments fait la part belle à une esthétique épurée et grandiloquente, vision mille fois répétée d’Égyptiens qui semblent tout droit sortis d’un hiéroglyphe mural. Le rythme du récit répond lui aussi à un schéma galvaudé : la jeune fille rebelle, qui rencontre son futur promis en se faisant passer pour une fille du peuple ; la fuite ensemble, ponctuée des personnages secondaires « savoureux » ; la séparation pour mieux se retrouver, etc…
Prévisible de bout en bout, La Reine soleil offre pourtant d’heureuses perspectives. Le film se pose un temps la question de la véracité du bestiaire mystique égyptien. L’aigle du général est-il bien un avatar d’Horus, la chatte de l’héroïne celui de Bastet, ou bien sont-ce de simples animaux ? Entretenir l’ambiguïté à ce sujet confère au début du film une certaine grâce, un mystère bienvenu. Hélas, la vérité se fait bien vite jour : magie et mystique sont bien réelles. Non seulement le récit perd tout mystère, à compter de cette révélation, mais l’efficacité s’en ressent terriblement : ainsi, coïncidences abusives et péripéties sans enjeu (puisqu’elles seront résolues par magie ou par un hasard divinement orienté) se multiplient. Cette profusion malheureuse annule tout potentiel dramatique, et achève de ravaler La Reine soleil au rang de produit sans âme, qui n’est pas sans évoquer le splendide Mulan, pour son malheur.
Isolé de personnages creux et prévisibles et d’un récit convenu, reste le personnage d’Akhenaton, roi mystique et éthéré. Figure énigmatique et seule réelle réussite narrative du film, le personnage se pose en fantôme d’un récit plus mature et réfléchi et d’un graphisme où, exceptionnellement, pureté de trait ne rime pas avec pauvreté dans l’expression. Lui et son étonnante scène de voyage dans l’au-delà restent le seul moment de grâce et d’étonnement d’un film artistiquement nivelé par le bas.