De l’animation étasunienne, on a pu voir ces dernières années de beaux films, rivalisant d’humour et de prodiges numériques, réconciliant enfants et adultes autour d’un genre souvent cantonné au plus jeune public. La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge vient grossir les rangs des jeunes et talentueux réalisateurs qui renouvellent le genre à coups d’humour, tout en conservant, grâce au scénario, le message final attendu, qui confère à l’œuvre animée son côté conte.
Surtout, ne pas se laisser conter l’histoire avant de l’avoir vue ! Tout le plaisir de ce premier film de réalisateurs américains tient justement dans ce qu’ils ont mis derrière le mot « véritable ». L’interprétation des contes de fées, on l’a faite bien avant eux. Bruno Bettelheim s’y était collé en 1976, en sortant Psychanalyses des contes de fées, sous-titré « la signification et l’importance des contes de fées ». Et d’ailleurs chaque lecteur est libre, dans un conte, d’y trouver son compte, sa morale. Mais tel n’est pas vraiment le but des réalisateurs ici. S’il y a bien un message final, une sorte de morale, elle apparaît presque plus comme une caution permettant au film d’être estampillé – mais pas seulement, loin de là – film jeune public. Le véritable but de cette histoire du Chaperon rouge est clair : faire rire, et faire parler l’imagination débridée des auteurs du concept.
Pour les frères Edwards et leur compère, le Chaperon rouge n’est pas une gentille petite fille terrorisée par un Grand Méchant Loup. C’est une petite fille que les adultes n’ont pas vue grandir, pleine de rêves de découverte du monde, de projets. Rouge habite dans la forêt, entourée d’animaux sympathiques ; elle livre aux habitants les cookies de sa Mère-Grand, renommés au-delà de la forêt. Mais ces derniers temps, les recettes des pâtissiers de la forêt disparaissent, obligeant les malheureux à mettre la clé sous la porte. Rouge ne redoute qu’une chose : que les recettes de sa grand-mère soient volées. Lorsqu’elle parvient à sa maison pour la mettre en garde, elle trouve, en lieu et place de sa chère mamie… le Loup, bien évidemment. Altercation, bris de glace d’un bûcheron arrivant d’on ne sait où, grand-mère ligotée surgissant du placard… Il n’en faut pas plus pour que la police déboule, et se lance dans une enquête qui les mènera finalement… au voleur de cookies.
La grande réussite du film tient dans les rebondissements, délirants et parfaitement bien construits, reprenant certains codes du genre policier. Personnages hauts en couleur, drôles et surprenants, du bûcheron bêta rêvant d’intégrer un groupe de yodle, au loup effrayant qui n’est pas ce qu’on croit, en passant par les flics-cochons ne pensant qu’à s’empiffrer, jusqu’à la grand-mère qui réserve une surprise de taille. Menée sur un rythme trépidant mais loin d’être fatiguant, ne s’essoufflant jamais, La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge est une histoire à suspense comme on aimait à les entendre de nos parents, riant et s’émouvant.
L’histoire de la production du film vaut le détour elle aussi. Cory et Todd Edwards, les deux réalisateurs surdoués, ont dû proposer une flopée de projets de films à des réalisateurs réticents avant que l’un d’entre eux ne les remarque. C’est en rencontrant Maurice Kanbar dans les locaux de sa société de production Kanbar Entertainment, structure souhaitant financer des films inventifs, originaux et familiaux, que la réalisation s’est mise en route. C’est le producteur qui voulait une histoire inspirée d’un classique du conte de fée. Au bout du compte, du film noir, du comique et des séquences plus jeunes publics se fondent dans La Véritable Histoire du Petit Chaperon rouge, avec des personnages inspirés de mythes du septième art.
Une petite réserve sur certains passages chantés, sans doute très agréables pour les enfants, mais qui détonnent un peu avec l’ensemble pour les adultes ; on ne peut s’empêcher d’y trouver un côté un peu mièvre, comme lorsque Rouge chope le blues, le décor autour d’elle devenant bleu lui aussi. Pas désagréable en soi, et pas incohérents dans un dessin animé, le ton des chansons est juste un peu en décalage avec l’humour du reste du film. Mais il s’agit bien là d’une fort petite réserve, au vu des quatre-vingt minutes passées à travailler ses zygomatiques. Quand vous croiserez la route du personnage du Bouc, sortez vos mouchoirs, vous allez mourir de rire…