Deux ans après son premier volet, voici revenir le beau Largo, flanqué cette fois d’une équipe, et d’ennemis passant à la puissance supérieure. Surenchère maîtrisée, bonnes idées narratives : sans certaines faiblesses de style et un rôle catastrophique pour sa seconde tête d’affiche, le film serait des plus convaincants. Donnant suite de façon honorable à un premier épisode déjà appréciable, Largo Winch II peine par ses faiblesses de mise en scène, mais sait trouver le temps de construire une galerie inattendue de personnages savoureux.
Largo Winch, c’est le super-héros concret. Beau ténébreux à la tête d’un conglomérat financier titanesque, notre héros n’est pourtant pas un boursicoteur sans scrupule et dépourvu de la plus élémentaire morale. La preuve : non seulement on le sent fidèle en amour, mais il est également prêt à liquider son empire financier pour réunir les fonds nécessaires à la création d’une organisation caritative de grande ampleur – à hauteur de 50 milliards de dollars quand même. Problème : dès qu’il annonce cette mise en vente, il se voit accuser par une procureur sans pitié de crimes contre l’humanité, et si la valeur du groupe chute drastiquement, ce sont surtout les menaces qui pèsent sur la vie d’une ancienne flamme amoureuse qui le jettent à nouveau dans la tourmente.
Largo Winch change de style avec ce nouvel épisode : exit le beau gosse solitaire avec une légitimité à asseoir (ce qui était également le cas de Tomer Sisley, son interprète, aujourd’hui beaucoup plus à l’aise dans son rôle), bonjour l’équipe Largo. On sent, dans cette multiplication des pistes narratives, autant la volonté de faire honneur à la complexité des bandes dessinées de Van Hamme, que l’influence du style des séries télés – des influences globalement bien digérées par Jérôme Salle et son équipe. Restent quelques ratés.
En premier lieu, le personnage de Sharon Stone, procureur de la Cour pénale internationale créé spécialement pour le film, est pourvu d’un texte d’une rare indigence, tandis que ses apparitions semblent avant tout fournir un prétexte pour ressasser à l’envi des variations sur les jambes croisées de la belle, et aux interrogations subséquentes sur son absence de culotte. En second lieu, et c’est le défaut majeur du film, Jérôme Salle et son monteur Stan Collet semblent ne pas avoir su se tirer des scènes d’actions rapprochées. Ainsi, les nombreuses bagarres livrées (dont une, extrêmement spectaculaire et réalisée par Tomer Sisley lui-même, en chute libre) par les protagonistes sont terriblement brouillonnes, illisibles, révélant une triste incapacité à capter le mouvement rapproché.
Un gros bémol stylistique, donc, et un défaut d’écriture – en dehors de cela, Largo Winch II, comme son prédécesseur, puise ses influences dans les sagas d’aventure / espionnage musclées à la James Bond (période Daniel Craig) / Jason Bourne, sans démériter de ces modèles plutôt réussis. Ces héros modernes, réalistes et préoccupés d’une véritable crédibilité, sonnent justes, le Largo Winch de Tomer Sisley parmi eux – même s’il demeure, peut-être, un peu trop idéalisé moralement. Aux côtés de cette figure au fort potentiel monolithique, donc, Largo Winch II introduit plusieurs personnages secondaires dont le réalisateur sait admirablement tirer parti pour alléger le propos : ainsi, Ulrich Tukur campe un Dwight Cochrane mineur mais plaisant, Laurent Terzieff, dans son dernier rôle, un mentor crédible, et Olivier Barthelemy se réapproprie le rôle central du complice Simon Ovronnaz d’une façon qui étonnera sans doute les puristes. Mais le plus beau rôle de cette nouvelle galerie revient certainement à Nicolas Vaude, qui campe un majordome Gauthier en décalage complet avec le reste du film, savoureux, drôle – et un clin d’œil certain au Tintin de Hergé. Tous ces nouveaux venus, ou presque, au service donc d’une entreprise de réappropriation, de réelle transposition de l’univers de Jean Van Hamme au cinéma : certes, l’entreprise tâtonne encore, certes, elle connaît des ratés. Mais les prémices de la naissance d’un Largo Winch icône de cinéma sont prometteuses.