Après Mon petit doigt m’a dit et L’Heure zéro, Pascal Thomas poursuit sa longue adaptation d’Agatha Christie en faisant renaître le couple Prudence-Frot/Bélisaire-Dussollier. Si les premières minutes laissent perplexe, tantôt drôles, tantôt curieuses de vieillot, on retombe rapidement dans les travers de ses derniers films, la démonstration, la répétition et l’ennui.
Quelques répliques comiques dans les premiers plans et l’on a cru au réveil du charme des tous premiers films de Pascal Thomas. Tous les thèmes qu’il couvre ne sont pas en eux-mêmes des puissances creuses : le suranné, le décalé… auraient pu devenir de réels fondements comiques. Le film possède a priori deux atouts : Catherine Frot, dont on ne peut nier le talent d’actrice comique malgré ses choix très contestables comme Les Sœurs fâchées ou le très poujadiste Odette Toulemonde, et André Dussollier, davantage mis en valeur dans les films de Resnais. Mais on ne jouera pas les grognons tout de suite car, effectivement, quelques répliques, très courtes, malheureusement éphémères, possèdent une certaine saveur : entendre Prudence reprocher à Bélisaire, adhérent de l’Amicale du Chardon Ovale, qu’il « devient popotte » n’est pas sans humour. Mais les deux finalités du film, le divertissement comique et le film d’intrigue, échouent promptement dans leurs évolutions, retrouvant les travers d’un cinéma qui est trop peu écrit, trop peu filmé, et trop statique.
La vieille tante de Prudence arrive chez les Beresford avant d’aller chasser le papillon dans des territoires lointains : elle est persuadée d’avoir vu, lors de son voyage en train, une femme se faire étrangler par un homme en gabardine. Prudence, à la retraite depuis 2005, ne supporte plus son inactivité et décide de mener l’enquête, bientôt rejointe par son mari Bélisaire. Le cadavre est effectivement retrouvé dans la propriété de la famille Charpentier, rongée par l’usufruit d’un héritage gardé par un vieux père qui ne veut pas mourir. L’intrigue est simple, le décor très cliché : un château, dont on ne percevra – comme dans L’Heure zéro – que les lieux les plus topiques, l’escalier, la cuisine, les rideaux. Après la grande Darrieux sous le soleil, voici Claude Rich sous la neige : même rôle de vieux ronchon – il est à noter que C. Rich réinterprète exactement son personnage dans Cœurs, sans le talent et l’originalité d’un Resnais –, même fausses pistes policières, mêmes personnages secondaires faussement hauts en couleurs… si l’atmosphère est mieux installée que dans les précédents opus, le petit dernier souffre une nouvelle fois de l’absence totale de suggestion, d’ambiguïté.
Le film de Pascal Thomas montre avec acuité la différence entre finesse comique et comique troupier : les quelques bonnes idées du film – dont celle de faire singer Marilyn à Dussollier au-dessus d’un bouche d’aération – sont étirées jusqu’à en devenir grossières, fades. Les anachronismes qui pourraient être amusants – dans les costumes, les dialogues, les décors – sentent vite le rance, la nature morte qui manque de fantaisie profonde : en exemple frappant, le halo de lumière morne qui entoure Le crime est notre affaire fait davantage penser aux Feux de l’amour qu’à une tentative cinématographique. Tandis que Pascal Thomas se contente bien souvent de va-et-vient aussi plats que les symboles lourdauds dans le cadre censés remplacer un arrière-plan, l’intrigue, elle, piétine rapidement : de grandes actrices comme Chiara Mastroianni n’ont que quelques répliques sans saveur à dire, et le dénouement, loin d’un acmé, tombe du ciel et rend inutile la bonne heure précédente de film. Passons sur les ratés de post-synchronisation des dialogues, et gardons en tête que Le Dossier secret est ressorti en DVD, au moment où un certain cinéma français devrait revoir sa copie policière.