La réussite sociale, une femme élégante et un beau garçon ; rien n’y fait, Hervé est gravement alcoolo, jusqu’au bout des ongles. Le Dernier pour la route est le récit du combat pour s’arracher à cette dépendance. Une tranche de vie pleine de courage qui se signale avant tout par une absence totale d’intérêt cinématographique, notamment parce qu’elle ne se différencie en rien d’un produit télévisuel soigné et calibré.
Le Dernier pour la route est l’adaptation de l’ouvrage homonyme de Hervé Chabalier, alcoolique repenti qui a couché par écrit son calvaire et sa rédemption résidant dans une cure de désintoxication de groupe dans un centre de soin. Le film est donc sur le fond inattaquable, les valeurs du courage, d’émulation, de solidarité et de volonté sont célébrées. Il ne manque plus qu’une intervention de Roselyne Bachelot pour ouvrir ou clore le film. Puisque c’est un film destiné au grand écran, il convient de constater l’absence d’intérêt cinématographique, il s’apparente à un produit « coup de poing », fait pour émouvoir et interpeller les foules. Finalement très lisse, parce qu’en pareil cas, il ne faut vexer personne. Par contre, il faut que le spectateur puisse bien suivre en étant tranquillement ému, mais aussi moralisé et culpabilisé.
En dévoilant le passé du personnage, Philippe Godeau soustrait toute tension qu’aurait pu procurer le fait de maintenir hors champ la vie d’alcoolique de Hervé (François Cluzet, tout à fait convaincant). Et pour relier ces flash-backs au présent du récit, un raccord entre un verre de vin et un godet de flotte de la cantoche du centre de soin constitue l’une des principales idées de cinéma du film. Viennent s’y ajouter cette photographie soignée afin de ne pas rendre la chose trop anxiogène et ces plans à la grue sur la façade de la clinique dont le but est sans doute de donner une respiration au récit. Pourquoi ne pas destiner un tel produit audiovisuel au petit écran, pour lequel il serait à peu près digne, faute d’être excellent ? Si l’on pensait à mal, on ferait remarquer que Philippe Godeau, jusqu’ici producteur et distributeur, a certainement senti un bon filon avec cette histoire accrocheuse qui sort à la rentrée, saison des bonnes résolutions après avoir éclusé des litres de rosé pendant tout l’été. Pour le reste, Le Dernier pour la route est très documenté sur la question de l’alcoolisme, on sortira de la salle très bien renseigné, grâce à l’intégration d’une sorte de cours de sciences-nat’, sur le rôle des neurotransmetteurs et les ravages perpétrés sur eux par la picole. Quant aux horribles maladies causées par l’alcoolisme, vous serez absolument incollable, notamment celle où l’on finit étouffé par des gerbes de sang. Si après la séance vous avez envie de vous en jeter un derrière la cravate, consultez un psy. Quoique l’esprit de contradiction puisse être une puissante tentation.
Philippe Godeau suit donc la trajectoire d’Hervé, patron d’une agence de presse. Au petit matin, il part pour un centre de soin. Jusqu’au bout, il s’en met plein la lampe. Bah oui ! tant qu’à faire. C’est quelque peu atterré qu’il découvre cette thérapie de groupe fondée sur la formulation et la « positive attitude ». En bon journaliste, il observe. En bon taiseux, il se tait. L’essentiel du film est la reconstitution de toutes les phases jusqu’à sa rédemption, sans oublier le risque de la rechute. Pour agrémenter le tout, les turpitudes de la vie de groupe permettent de mettre un peu de sel : Pierre l’intello sympa (Michel Vuillermoz), Hélène la bourgeoise (Raphaëline Goupilleau), Magali l’écorchée vive (Mélanie Thierry, souvent agaçante)… On n’échappe pas non plus au psychologisme. Il se trouve qu’en tant que journaliste, le pauvre Hervé a choisi de porter la souffrance humaine sur ses seules épaules. Dans ce cas, ce n’est effectivement pas avec une Tourtel ou du Champomy qu’on se soulage.