Le Dernier Pub avant la fin du monde réunit Nick Frost, Simon Pegg et Edgar Wright, le trio de Shaun of the Dead et de Hot Fuzz, pour le troisième volet de la « trilogie Cornetto ». Comme de juste, il y est question de fin du monde, ou comment Gary King, quadragénaire bien tassé n’ayant rien fait de sa vie, remonte sa bande de potes de lycée pour finir le barathon qu’ils avaient laissé inachevé, le soir du dernier jour de leur scolarité. Objectif : boire une pinte dans les douze pubs de la ville, y compris dans le dernier, le bien nommé « World’s End », et s’apercevoir sur le chemin, logiquement, que le monde touche à sa fin.
Nick Frost et Simon Pegg ressuscitent le duo de Shaun of the Dead, en miroir : au tour, cette fois, de Pegg d’incarner l’éternel adolescent irresponsable – un vrai perdant, pourtant manifestement considéré avec beaucoup de bienveillance par le film. Jusque dans le personnage incarné par Pegg dans Hot Fuzz, transparaissent les insécurité d’un adulte dont la culture fictionnelle large lui a laissé croire qu’il pourrait être le héros de ses aventures – à tort. Le monde réel est trop dur pour les protagonistes de l’univers de Frost, Pegg et Wright, d’où la nécessité de l’intervention du fantastique – un diagnostic pertinent pour tout geek cinéphile, littéraire ou ludophile, à vous de choisir. La sincérité de l’amour dans lequel ces perdants sont tenus est manifeste tout au long de la trilogie Cornetto, et le signe d’une certaine maturité narrative vis-à-vis des genres abordés : ici, le film d’invasion extraterrestre, comme, dans Shaun of the Dead, le film de zombies. Ni héros, ni anti-héros, les protagonistes de la trilogie sont tout simplement des gens vaguement ploucs, vaguement attachants, vaguement normaux.
On ne cesse de faire le parallèle entre Le Dernier Pub avant la fin du monde et Shaun of the Dead – probablement parce que le premier est un calque du deuxième. C’est d’autant plus étonnant que l’équipe Cornetto avait montré, avec Hot Fuzz, la versatilité de son style. S’il paraît moins fougueux, moins spontané, Le Dernier Pub avant la fin du monde est plus soucieux que Shaun of the Dead de brocarder avec pertinence son genre d’élection – plutôt que de le dynamiter tout simplement, comme ce fut le cas avec le film de zombies. Du côté des méchants, les codes traditionnels sont bien présents, mais c’est avant tout l’humanité qui en prend pour son grade : ainsi, voilà nos héros obligés de combattre pour leur liberté (jusque-là tout va bien) …leur liberté de se cuiter le museau à loisir, d’être parfaitement crétins, irresponsables, uniquement préoccupés de leur propre amusement sans souci des conséquences.
Bonjour la gloire. Mais il faut avouer que, après une légion de héros héroïquement préoccupés du bien commun, ça rafraîchit. L’équipe Cornetto décide de tourner le dos à l’option dure, au cynisme brutal pour faire le portrait d’humains pathétiques, agaçants mais touchants – et c’est sans doute la grande réussite du film. Que celui-ci soit un calque presque littéral de Shaun of the Dead est très décevant : cela permet cependant de percevoir pleinement comment le style potache des Cornetto Frost, Pegg et Wright évolue. Une déception à nuancer, et dont même les défauts sont plaisants.