Comme chaque année, l’arrivée de Noël charrie son flot de films dédiés au jeune public, disponible pour aller grossir les rangs des spectateurs des salles obscures. Des dessins animés ou des comédies familiales, on a l’embarras du choix et en 2014 c’est rien moins qu’un long métrage idéalement titré Le Père Noël qui tente d’attirer le chaland. Mais il faut savoir se méfier des emballages trop aguicheurs, pas toujours garants d’une belle surprise à l’intérieur.
Du haut de ses six ans, Antoine (Victor Cabal) rêve de rencontrer le Père Noël et de faire un tour sur son traîneau, dans l’espoir de retrouver son père, monté au ciel. En lieu et place du gros barbu débonnaire, c’est un jeune cambrioleur déguisé (Tahar Rahim) qui atterrit sur son balcon le soir du 24 décembre. Persuadé qu’il est à deux doigts de vivre une aventure fabuleuse, Antoine quitte son lit douillet et décide de suivre cet étrange personnage dans sa tournée des beaux quartiers.
Démythification annoncée
Transfigurant des éléments propres à la légende du Père Noël, le scénario du troisième long métrage d’Alexandre Coffre (après Une pure affaire et Eyjafjallajökull) tenait une idée intéressante. Ainsi, le Père Noël ne vient plus distribuer des présents mais déleste au contraire ses victimes de leur or. Les malfrats qui l’obligent violemment à rembourser sa dette se transforment en apprentis du Père Fouettard, le chef de la bande. Pour convaincre Antoine de l’importance de leur mission, le faux Père Noël lui fait croire que seul l’or dérobé peut servir de carburant au traîneau en panne, le dit véhicule étant stationné pour l’heure dans les coulisses d’un grand cabaret parisien. Ces petits glissements symboliques amusants offrent une ossature de conte moderne au film, une édification fragile mais pas dénuée de charme. En débarrassant la légende de ses oripeaux fantastiques pour l’ancrer dans une signification réaliste mais infantilisée, Alexandre Coffre démontre l’inusabilité des codes mythologiques, propres à conter les histoires qu’on veut bien y injecter.
Faut pas prendre les enfants pour des canards sauvages
Mais le parti-pris se révèle à double tranchant. En dévoilant les ficelles de la création imaginaire du Père Noël (Tahar Rahim réinterprétant au fur et à mesure les traditionnels poncifs de Noël), il annihile de fait l’existence du vieux monsieur bienfaiteur des enfants. Pour ne pas gâcher la magie de Noël, le réalisateur est alors obligé à une gymnastique impossible : protéger la croyance naïve d’Antoine (et des spectateurs) tout en assumant la mise à mort mythologique du vieillard du pôle nord. De là, naît la désagréable sensation de prendre les bambins pour des abrutis. Poussives, pas crédibles même pour un très jeune enfant, les explications du Père Noël cambrioleur confondent la naïveté naturelle des minots et la crédulité aveugle, voire la bêtise. Or, les enfants ont beau croire au Père Noël, encore faut-il leur raconter une histoire qui tienne debout, tant soit peu intelligente et astucieuse. De ce côté-là, Alexandre Coffre peine à convaincre, insupporte même par la lourdeur et l’invraisemblance de son canevas narratif.
Si l’on ajoute à cela une mise en scène paresseuse qui, encore une fois, ne fait qu’effleurer le matériau initial, il y a de quoi s’insurger. En effet, plus de la moitié du film se déroule de nuit sur les toits de Paris de nuit, image poétique s’il en est, mais le cinéaste n’en tire rien hormis une carte postale figée et sans âme. À l’image de ces séquences, où le cadre aurait pu insuffler un peu de magie et d’extraordinaire, Le Père Noël est une suite de scènes plates, sans émerveillement, pire une quasi-euthanasie du conte millénaire qu’on réactive pourtant une fois l’an pour revivre l’enchantement de l’enfance. Un cadeau de Noël empoisonné finalement.