Comment rendre compte de l’imperméabilité opposant une brigade anti-terroriste et sa cible difficilement cernable ? En choisissant d’explorer le thème de la fracture sociale, Nadav Lapid tente d’associer le drame psychologique à l’évocation d’une mutation peu médiatisée de la société israélienne. Seulement, pour un premier long-métrage, une telle ambition comporte bien des risques ; celui notamment, de multiplier maladroitement les thématiques et de rabaisser le cinéma israélien de fiction à une tentative d’usurpation sociale.
Nul ne devrait éprouver de grandes difficultés à admettre la résonance entre le sujet du Policier et le drame qui continue de faire l’actualité en France. Yaron est en effet membre d’un groupe de policiers d’élite qui appartient à une unité antiterroriste israélienne. Alors qu’il pourrait devenir père d’une seconde à l’autre, une mission l’amène à rencontrer un groupuscule politique singulier, extrêmement jeune et radical, dirigé d’une main de fer par la jeune Shira.
Ces deux personnages suivent des trajectoires bien distinctes qui révèlent deux types de rapports à la violence. L’un tente de la pacifier, l’autre emploie toute son énergie à l’imposer. Cette fracture idéologique est maintenue par le montage général du film qui opère un découpage en deux parties, chacune adoptant le point de vue d’un personnage. Même primaire, ce procédé permet à Nadav Lapid de souligner les ressemblances formelles des deux groupes, dont la tentative d’affirmation au sein même du cadre reste similaire, qu’elle se crie avec les anarchistes à travers un mégaphone ou dans l’immensité d’un espace naturel pour les policiers.
Néanmoins, cette habileté formelle est trop peu suffisante pour empêcher le film de sombrer dans une forme de facilité narrative. Il est bien beau de vouloir dépeindre avec sensibilité chaque personnage et de proposer une suite d’instants isolés, censés rendre compte de l’importance de leur cheminement introspectif. Seulement, cette ambition scénaristique se trouve malheureusement gâchée par une caractérisation trop grossière des personnages, qui laisse place à la promotion des pires clichés. Forcément, du côté des policiers, on discute de femmes, on drague les adolescentes, et l’on conserve bien sûr son rôle de protecteur dans la sphère du privé.
Les révolutionnaires ne s’en tirent pas mieux, tiraillés entre les caprices adolescents, l’aveuglement idéologique, et une naïveté politique. Ces présupposés ternissent l’intensité dramatique du film et décrédibilisent certaines situations, pourtant présentées comme des étapes décisives dans la construction des personnages. On peut comprendre les motivations à l’origine du radicalisme de Shira, mais les ramener à un acte de vandalisme isolé réduit le personnage à un stéréotype de jeune bourgeoise scandalisée par la perte de repères d’une jeunesse à laquelle elle semble pourtant appartenir.
Ni dialectique, pas plus que psychologique, la confrontation entre les personnages ne fait qu’orchestrer une symbolique attendue. En prenant soin de ne jamais rassembler directement dans le même cadre les deux groupes d’individus, Nadav Lapid tombe dans le piège d’un mythe qu’on aimerait voir davantage déconstruit que répété : l’éternelle impossibilité de rétractation de la violence. Dommage que de telles maladresses contrastent nettement avec une interprétation honorable et juste, qui met en valeur la beauté d’une jeune actrice à suivre : Yaara Pelzig. En résulte le sentiment d’un film profondément bancal, malgré ses quelques accents de sincérité.