En 2009, l’on dut à David Charhon l’abominable adaptation cinématographique des aventures de Cyprien – geek désuet des Petites Annonces d’Élie Semoun. Ce premier long-métrage, jamais capable de prendre la moindre hauteur sur la ringardise de son personnage, laissait difficilement présager des capacités de son réalisateur à mieux se saisir d’un autre sujet. Pourtant, trois ans plus tard et avec De l’autre côté du périph’, le même David Charhon livrait une comédie honnête, jouant habilement sur les codes des différents services de police et reposant sur l’étonnante complémentarité d’un tandem composé d’Omar Sy (formé à l’école Canal+) et de Laurent Lafitte (de la Comédie Française).
Pour sa troisième réalisation, Les Naufragés, David Charhon choisit donc à nouveau de se reposer sur un duo de comédiens, Laurent Stocker – toujours issu de la Comédie Française et qu’il avait déjà dirigé dans Cyprien – et le chevronné Daniel Auteuil, qui renoue ici avec un cinéma qu’il connaît bien, tant ses mécaniques s’apparentent à celui de Francis Veber (Le Placard, La Doublure). Le film de Charhon se présente en effet comme une aventure « françois-pignonesque » marquant, sur une île d’apparence déserte, la rencontre de deux rescapés que les personnalités opposent mais qui devront coopérer : un candide teinturier largué durant son voyage de noces et un fiduciaire mêlé à un important blanchiment d’argent. Dès lors et si l’évident jeu de mots offert par leurs activités respectives ne nous sera pas longtemps épargné, nous ne pourrons que déplorer qu’une considérable partie du comique des Naufragés se voie constitué de ce genre de facilités.
Le calme sans la tempête
Tout son long, nous n’assisterons qu’à des situations convenues lors desquelles le bourgeois cynique s’agacera et tentera d’intellectuellement dominer son candide compère par le concours d’un peu de dérision. Toutefois et en l’absence de bons mots capables de dépasser l’ironie facile (« Ce que j’admire, chez vous, c’est votre constance…»), leur joute peinera à développer une quelconque saveur. Les gags les mettant en scène, souvent rebattus et revisités avec un premier degré navrant (Pignon tombe d’un arbre, Pignon marche dans une fourmilière, l’abri de Pignon prend l’eau…), ne pourront, sous cette forme, que rythmer l’ensemble avec la régularité de vagues s’échouant mollement sur une morne plage.
De ce manque de tumulte général, que nous devrons notamment à des personnages à la construction moins archétypale que ne le voudrait souvent le genre (le dominant ne sombrant jamais dans la totale arrogance, le boulet ne constituant jamais un parfait idiot), nous pourrons déceler une certaine élégance, une volonté de ne jamais inscrire le scénario dans l’humiliation ou la discrimination définitive de l’un par l’autre. L’argument, s’il eût été valable dans le cadre de comédies plus sociales et destinées à faire valoir certains idéaux, manquera ici de pertinence, dans un duel où davantage d’outrance aurait bien mieux servi la caractérisation des personnages et leur propos. Dans ces rôles finalement sages, Laurent Stocker et Daniel Auteuil cabotineront eux-mêmes en sous-régime, usant d’une grâce théâtrale inappropriée plus que d’une énergie qui aurait mieux sied aux différentes péripéties de cette comédie d’aventure.
Difficile pour autant de considérer que les comédiens auront été sous-employés dans l’action, tant le volet aventure de ces Naufragés aura vite renoncé à toute ambition. À l’image d’un long-métrage peu fertile en imaginaire, le twist de l’intrigue (amené si tôt qu’il figure sans gêne dans la bande-annonce du film) ne surprendra aucun spectateur. Avant Les Naufragés, une multitude d’autres récits en vase clos auront fait appel au même et de plus belle manière (Du Village de Shyamalan au récent Babysitting 2), scellant un peu plus ce soufflé qui ne sera jamais retombé – faute de n’être à aucun moment monté – au rang des propositions cinématographiques les plus innocemment anecdotiques de ce début d’année.