Créées en 1984 par Peter Laird et Kevin Eastman, Les Tortues ninja, après un énorme succès à la télévision et dans les ventes de figurines à leur effigie, connurent la consécration en étant adaptées au cinéma par Steve Barron en 1990. Deux suites (assez malheureuses) verront le jour en 1991 et 1993. Après plus de quinze ans d’absence sur le grand écran, elles reviennent mais cette fois-ci sous forme de dessin animé en images de synthèse, auxquelles elles s’adaptent très bien. Mais à la fantaisie d’un tel concept, Kevin Munroe répond par un film bien sage…
Il est des histoires et des personnages qui survivent en dehors de leur support d’origine, et construisent leur légende dans l’imagination populaire à travers les différents médiums qui les diffusent. Dracula, Sherlock Holmes ou encore Zorro ont subi diverses mutations, et marqués plusieurs générations de lecteurs/spectateurs en se réadaptant à chaque fois aux nouveaux médias et à l’air du temps. L’Amérique est sans égale pour capitaliser sur ce genre de personnages et en faire les emblèmes de la mythologie qu’elle tente de s’ériger jour après jour. Son incroyable capacité de récupération transforme la moindre histoire en franchise rentable, en la martelant de merchandising et de produits dérivés. Le cinéma devient même, parfois, le fer de lance de promotion de ce merchandising : le film est un dérivé du produit et non plus l’inverse.
À l’origine, Les Tortues ninja n’étaient qu’un petit comic-book underground des années 1980, à édition limitée, parodique et déjanté, violent et sombre. Mais devant le fort potentiel délirant de la chose, le succès fut immédiat. Le concept, assez improbable, avait de quoi stimuler l’imagination des garçonnets en mal de fantaisie entre les problèmes de mathématique et la dictée : quatre tortues mutantes, habiles guerrières ninja, éduquées par un rat tout aussi mutant qu’elles, amatrices de pizza, vivant dans les égouts de New York, prénommées selon les grands peintres italiens de la Renaissance et dont le cri de ralliement est : « Cawabunga ! » De la BD en noir et blanc les quatre tortues sont passées à d’autres supports, surfant sur l’engouement qu’elles suscitèrent, pour devenir un produit déclinable : dessin animé, jouets, jeux vidéo, série télé et, bien entendu, cinéma.
Le film de Munroe n’est que le résultat logique de cette évolution ; il s’agit maintenant de séduire la jeune génération, coutumière de l’image de synthèse et élevée aux films Pixar. Cette technologie sied bien aux TNMT (Teenage Mutant Ninja Turtles). Elles y semblent plus à l’aise dans leur carapace qu’à l’époque des lourdes combinaisons en latex des films précédents : plus souples, plus dynamiques et surtout plus convaincantes. Mais malgré les qualités techniques, malgré les scènes d’actions réglées par des spécialistes hongkongais, malgré le respect du cahier des charges de la franchise et malgré un beau combat entre Leonardo et Raphael (les frères ennemis), le film ne surpasse jamais le formatage dont ce type de production est souvent la victime. La réalisation de Munroe (assez volubile) n’approfondit pas tellement les enjeux émotionnels entre les personnages qu’expose ici le copieux (et bien confus) scénario. Le film, pas désagréable, respectueux de l’univers des Tortues ninja, lui assure la pérennité dont il a besoin, mais ne se contente finalement que de cela.
* Réponse : Jeannine.