On ne cache pas qu’on n’attendait rien du nouveau film de Nicole Garcia, Mal de pierres, qui sur le papier ressemblait au maillon faible de la délégation française. Pourtant, malgré une entame calamiteuse dont l’élan mélodramatique prête plus à rire qu’à pleurer – une jeune femme, bouleversée à la découverte du nom d’une rue, se précipite vers l’appartement de celui qu’on imagine être un ancien amant, Monsieur Sauvage (oui oui) –, l’horizon du film, sorte de mélo suranné, n’appelle ni au mépris ni au dédain. Mieux, le vernis chromo de la mise en place semble d’abord craqueler sous le feu des passions. Car la folie de l’héroïne, Gabrielle, et sa maladie (qui donne son titre au film) ouvrent une brèche sexuelle – comme le témoigne le clin d’œil au plan le plus célèbre de La Prisonnière du désert – qui jure avec la propreté des décors provençaux de cartes postales qu’épingle le film dans sa première partie. Il faut reconnaître aussi l’intérêt de la démarche de Garcia, qui fait s’entrelacer deux relations amoureuses : l’une de raison, triste et sans désir, en plein cœur d’un cadre méridional aux couleurs chatoyantes, et une passion fiévreuse et viscérale, avec un malade (Sauvage, joué par Louis Garrel), dans une cure thermale suisse combinant tons gris et tons marrons. Cette recherche de nuances, qui tend à rehausser le banal et raboter l’exception, a toutefois pour limite de régler les deux pans du film sur la même intensité, ce que vient confirmer l’épilogue réunissant les deux amants dans un flashback.
De sorte que le savoir-faire du film accouche d’une neutralité des scènes et des situations, dont la part psychologique est donnée à voir par l’entremise de procédés assez grossiers – un Christ auquel Cotillard dévoile son désir, un exemplaire du Propos sur le bonheur d’Alain que donne André Sauvage à Gabrielle. Mais le pire est à venir : alors que l’affaire semble pliée, et le film s’acheminer vers une conclusion aussi fade que logique, un twist ahurissant de maladresse dans sa progressive révélation fait de Mal de pierres une sorte de Fight Club provençal. Ce coup de force, qui devrait susciter le vertige, met plutôt en exergue le manque de folie du film, à rebours de la démence romanesque de son héroïne.