L’été hollywoodien ne pouvait s’achever sans une traditionnelle adaptation de série TV. C’est donc au tour de Max la Menace (Get Smart), co-créé par Mel Brooks en 1965, de subir un lifting sur grand écran. Si, de prime abord, l’idée de confier le rôle de l’agent secret nunuche à Steve Carell semble une bonne idée, il faut se résoudre à admettre que ce dernier, hélas, a un humour à portée bien trop faible pour compenser l’inexistence de la réalisation.
Ce qui finit par être drôle dans les comédies hollywoodiennes actuelles, c’est leurs dérapages, tout ce qui peut les faire sortir de leur programme, tout ce qui leur échappe. Ironiquement, on pourrait presque dire qu’elles sont drôles involontairement. C’est devant un film comme Max la Menace qu’on s’en rend le mieux compte. Car quand tout est mis en œuvre pour servir le désir des producteurs de faire une comédie familiale scrupuleusement sans vague et sans débordement, le résultat est souvent des plus sinistres : tout est fait pour nous faire rire mais, exécuté machinalement, studieusement et même servilement, ça devient totalement inopérant et insipide. Il manque l’âme. Chaplin avait explicité ce phénomène dans Le Cirque (1928), lors de la scène ou le directeur du cirque lui demande d’être aussi drôle que la fois où il s’est aventuré sous le chapiteau en pleine course-poursuite. Charlot tente une démarche absurde qui ne fait évidemment rire personne (sauf nous). Il faut un certain état d’esprit pour faire rire, il faut de la spontanéité. Et pas seulement l’intention.
Il faut dire que les exécutifs de la Warner n’ont pas forcément choisi la simplicité en réadaptant cette vieille série té-vé « culte » qu’est Max la Menace, avec son héros mi-nigaud, mi-efficace interprété à l’époque par Don Adams et ses gadgets débiles parodiant James Bond. C’est un personnage dont le potentiel comique n’est pas assez clairement défini, et il aurait fallu un réalisateur qui en soit un peu plus conscient que le mollasson Peter Segal pour pouvoir en tirer quelque chose, car la mécanique humoristique, là, ne tourne pas toute seule. Si ce dernier s’en est tiré plus qu’honorablement lorsqu’il officiait dans l’écurie d’Adam Sandler (Amour et Amnésie et Self-Control sont loin d’être mauvais), c’est avant tout parce que le réalisateur, finalement, y tient un rôle somme toute assez secondaire. Veiller à ce que tout soit en place, que l’on comprenne les situations élaborées par les scénaristes et laisser suffisamment d’espace aux comédiens pour qu’ils puissent exécuter leur numéro à leur aise, tout cela n’est pas extrêmement difficile. C’est plutôt un travail de premier assistant que de cinéaste. Par contre, gérer un univers comme celui de Max la Menace, qui trimballe déjà ses codes et sa mythologie, ça nécessite soit un réalisateur un peu plus investi, capable d’en jouer, d’y mettre de la distance et de se le réapproprier, comme, par exemple, Barry Sonnenfeld dans Wild Wild West, soit, dans le cas contraire, un comédien qui n’hésite pas à tirer le film vers le bas pour lui donner un peu de relief, comme, disons, Steve Martin dans le remake de la Panthère rose. La première option est bien sûr préférable. Mais la seconde sauve les meubles. Max la Menace n’a recours à aucune.
Le problème vient surtout du choix de l’interprète principal, Steve Carell. S’il est un comique amusant, on constate de plus en plus qu’il n’est pas vraiment fait pour porter un film entier sur ses maigres épaules. Il lui manque le point d’ancrage qui donne toute leur valeur à l’humour de tous ses confrères : la pulsion sexuelle. Hystérique chez Ben Stiller, schizophrène chez Jim Carrey, compulsive chez Jack Black, masturbatoire chez Will Ferrell et décomplexée chez Owen Wilson. Si bien que Carell, avec son humour neuneu de schtroumpf à lunette (sans lunette) ringard, passe tout à fait quand il s’agit de jouer un puceau de plus de quarante ans, ou des seconds rôles de crétins dans les comédies des autres, mais est incapable de faire déraper les films qu’il est censé mener vers des sentiers moins battus. Trop sage, trop asexué, trop dans le moule, il est condamné aux comédies bien pensantes et est voué à suivre leur programme et y faire son show dans les limites qu’on lui a dessinées. C’est plutôt le contraire qui est intéressant.