Laurent Chevallier, réalisateur français, a été le complice de Momo Wandel Soumah pendant les dix dernières années de sa vie. Le musicien, dit « Momo », était le doyen du jazz africain, roi du swing et de l’improvisation. Apprécié et reconnu de tous autour de lui, amis comme professionnels du spectacle, sa carrière musicale ne dépassa pas les frontières du continent noir. C’est à la fois pour lui rendre hommage et le faire revivre que le réalisateur a fait ce film, qui résonne comme un pied de nez au désespoir et à la misère.
Il y a des artistes, connus et reconnus de tous par leur pays, leur famille, leurs proches, et qui n’atteignent pas la renommée internationale. Momo Wandel Soumah, autodidacte du blues africain, était de ceux-là. Laurent Chevallier, réalisateur pour la télévision et le cinéma et passionné du continent noir, rencontra le maître pendant la réalisation de son premier long métrage, L’Enfant noir : Momo en composa la musique, la première pour le réalisateur français, avant d’écrire la musique de tous ses autres films « guinéens ».
Car en plus de découvrir en Momo un musicien et un homme formidable, Laurent Chevallier tomba amoureux de la Guinée Conakry : de rencontres artistiques et créatrices en rencontres humaines, le réalisateur crée une véritable œuvre guinéenne, autour de Momo Wandel Soumah. Le musicien l’appelait « fiston », lui l’appelait « papa ». C’est d’ailleurs cette relation particulière qui transpire de tout le documentaire. Ce qui nous attache d’emblée à ce musicien — tour de force de ce beau film — c’est le regard à la fois tendre et désireux d’apporter toutes les informations sur Momo, que porte Laurent Chevallier. Allant à la rencontre de tous ceux qui ont travaillé avec, ou juste côtoyé, le doyen du jazz africain, le documentariste fait revivre une musique fière, inventive, où les instruments traditionnels sont détournés — kora, djembé, flûte pastorale — poussés vers leurs notes jazz, pour créer un son si particulier, où l’on reconnaît d’emblée les racines africaines de cette musique noire américaine.
Avec une musique si belle, si peu entendue malheureusement sous nos latitudes (rendons grâce à Ali Farka Touré, et, récemment, à Dee Dee Bridgewater pour son album réalisé au Mali, aux confins du jazz et des musiques traditionnelles des griots, Red Earth), et un tel amoureux de la vie, Momo, Laurent Chevallier tenait un sujet touchant et rare : son expérience de documentariste décortiquant les ambiances, les personnalités qui font des hommes hors du commun, et l’intimité qu’il avait avec Momo Wandel Soumah ont fait le reste.
« Si Momo avait eu la chance de rencontrer Ry Cooder, il serait aujourd’hui reconnu au même titre que ces vieux chanteurs musiciens de Cuba, du Cap Vert, Cesaria Evora ou Compay Segundo », se plaît a croire Laurent Chevallier. Avec son film, gageons que cette lacune sera un tant soit peu comblée. Une bonne fréquentation en salles ferait honneur au talent de Momo Wandel Soumah.