Nouvel avatar de la fiction adolescente à la mode Stephenie Meyer, Numéro 4 arrive après Eragon et autres Twilight sans bouleverser le canevas de roman initiatique simplifié, mâtiné de sexualité vaguement puritaine. Triste imaginaire.
Attention au complexe de supériorité pour Alex Pettyfer : après avoir été le wonderboy d’Alex Rider, le voici à prêter son physique parfait à ce Numéro 4. Pourquoi un tel surnom ? C’est simple. Notre jeune homme est en fait un extraterrestre, semblable en tous points (c’est fort pratique) aux humains mais doué de pouvoirs surnaturels, pourchassé par de vilains ET qui eux ont des têtes de vilains (ce qui est également fort pratique). Ces derniers cherchent à décaniller notre héros et le reste de sa fratrie exilée sur Terre, dans l’ordre. Trois sont tombés, notre héros est le suivant – numéro 4 donc.
Un visage de bellâtre à abdos tablettedechocolatés, des identités à rechange – voilà bien le portrait d’un héros lisse et sans saveur auquel on n’aura aucune peine à s’identifier (et sur lequel on peut également plaquer une fantasmatique tout à fait efficace). Pour trouver de l’intérêt narratif, le regard se portera donc vers la galerie de méchants. Ceux-ci ont l’air d’être tout droit sortis du Star Trek de J.J. Abrams, tatouages et look très méchants à l’appui. Plutôt réjouissants donc, ils n’interviennent hélas que tardivement, laissant tout le temps au héros puissamment nunuche de nous mener par les voies galvaudées du film romantique adolescent, authentique comme un cœur en plastique rouge avec fanfreluches blanches imitation plume.
Désireux de piétiner les plates-bandes désormais bien formatées des Twilight-like, Numéro 4 n’hésite pas à aligner les invraisemblances et les facilités narratives : on n’en saura pas des masses, donc, sur ces races d’outre-espace venues se faire la guerre chez nous, non plus que sur la raison qui fait que nos héroïques super-héros cachés ne se sont pas mis en groupe pour défendre le numéro 1, puisqu’il faut les tuer dans l’ordre… Deux choses sont sûres, cependant : là-bas aussi, on connait le délit de faciès, puisque les méchants ont des têtes de punks maoris, tandis que les gentils arborent des minois de gendres-et-brus idéaux. Et, seconde certitude : chez nos E.T. comme ici, les hormones font la loi, puisque c’est pour les jolies fossettes d’une blondinette que la fuite de notre héros devant ses assassins potentiels s’arrêtera. C’est là qu’intervient la différence notable entre eux et nous (en dehors de la tendance à avoir les mains comme un néon bleu) : pour eux, « c’est pour la vie » – ainsi son mentor répond-il aux atermoiements sentimentaux de notre héros après qu’il a croisé le chemin de ladite blondinette.
Ah, il a une belle tête, le jeune homme modèle ! Physiquement parfait (photoshopé comme il faut pour en rajouter une louche), il est blond (quand il porte un numéro) ou brun (quand il est un vampire ou un garou), toujours bien coiffé, rasé de près – propre à un point tel qu’il brille de partout ! Un beau héros que voilà : chaste, honnête, droit, pur… chiant, quoi. Son alter-ego féminin, qu’il se nomme Bella ou Sarah, est toujours l’agent de la corruption – celui du désir, de la chair vue comme une déchéance. On nage en plein puritanisme, sauce froide et rance dans laquelle semble baigner cet imaginaire prédigéré pour ados. On en vient à regretter la noirceur toujours plus fine de la saga de J.K. Rowling, même dans sa version considérablement adoucie au cinéma.
En toute logique, la mise en scène de D.J. Caruso s’attarde sur le corps-fantasme d’Alex Pettyfer avec une complaisance appliquée, qui ne prend pourtant jamais le risque d’exprimer un désir. La plastique bodybuildée de l’acteur doit se suffire à elle-même – nul n’est donc besoin de le mettre en scène. Le reste du film est à l’avenant : illustrer au premier degré son histoire semble suffire au réalisateur. D.J. Caruso se refuse à s’engager, formellement et intellectuellement, dans ce Numéro 4 formaté et passablement rance, destiné aux seuls fans. Suivons donc son exemple.