Une tarte à la crème plantée dans le visage d’une princesse. Un diadème précieux qui tombe dans la soupe. Un prince coincé dans un slip trop petit… Si vous ne jurez que par ce que la bienséance appelle communément « le bon goût », Palais royal ! n’est résolument pas fait pour vous. En revanche, si vous souhaitez vous payer une bonne tranche de rire, vous pouvez toujours compter sur Valérie Lemercier.
Après avoir proposé sa propre relecture de l’univers de Sacha Guitry avec Quadrille (1996) et torpillé la gauche caviar (entre autres) dans Le Derrière (1998), la Lemercier s’en prend, pour son troisième long-métrage de réalisatrice, au monde impitoyable des monarques et leurs relations ambiguës avec la presse. Palais royal ! n’est rien moins qu’une sorte de biographie trash de Diana, son mariage raté et sa canonisation médiatique. Casting doré sur tranche, cible facile, gags énumérés dans la bande-annonce : à première vue, Palais royal ! sent la néo-comédie française à plein nez, entre ironie vacharde et clins d’œil appuyés à la culture populaire, type Podium.
Mais Valérie Lemercier n’est pas Yann Moix : là où ce dernier vomissait sur ses personnages en exploitant leur misère sociale et intellectuelle, la réalisatrice enfile des bas de soie sous ses gros sabots. Lemercier a toujours assumé, voire revendiqué, son goût pour la grossièreté. Or, son humour est à l’image de son physique : ses traits clownesques cachent une belle féminité (magnifiquement exploitée par Claire Denis dans le méconnu Vendredi soir) et son corps, la plupart du temps utilisé au profit d’un comique de geste, a de quoi faire pâlir une Emmanuelle Béart. Entre grâce et folie, le rire chez Valérie Lemercier balance à pieds joints ses chaussons de danse dans un plat de nouilles.
La force de Palais royal ! vient essentiellement de sa férocité. En ce sens, la réalisatrice se rapproche de l’humour anglais, celui des séries comme Absolutely Fabulous ou The Office, bien plus corrosif que nos Bidochons hexagonaux. L’histoire de cette princesse orthophoniste nunuche, mariée à un prince play-boy incompétent qui fume des joints en douce et la trompe allègrement avec sa meilleure amie, gagne en profondeur à mesure que le film progresse. Quand le roi meurt dans un accident et que le prince est appelé à lui succéder, la discrète princesse se retrouve sous les feux des projecteurs et son incompétence chronique à assurer les plus simples protocoles cause l’ire de sa belle-mère. Lorsqu’elle apprend en une des journaux qu’elle est cocue, Armelle (c’est son nom) décide de passer à l’action et de retourner les événements à son avantage. La réalisatrice délaisse peu à peu les gags drôles mais un peu faciles pour un humour toujours irrésistible mais nettement plus sombre. La Princesse devient de plus en plus populaire auprès de l’opinion publique mais en privé, l’oie blanche se laisse pousser les crocs. Lemercier en profite pour humaniser ceux-là mêmes qu’elle brocardait au début du film.
Palais royal !, comme toutes les bonnes comédies, fait la part belle aux acteurs. On peut regretter en revanche que la cruauté du propos de Lemercier s’applique particulièrement aux personnages et moins aux situations dans lesquelles ils progressent. Certes, la charge contre les médias et les rapports de connivence que les familles royales contemporaines entretiennent avec eux est mordante mais on reste dans le superficiel : on n’est pas étonné de voir la reine-mère payer en sous-main des paparazzi pour coincer sa gênante belle-fille et son amant. De même, l’hypocrisie des talk-shows et des opérations caritatives est pointée du doigt, mais Lemercier manque d’originalité dans sa démarche : il n’y a rien ici que l’on ne sache déjà. C’est peut-être la limite du cinéma de la réalisatrice, très à l’aise pour brosser des portraits au vitriol, un peu moins lorsqu’il s’agit d’analyser le monde dans lequel évoluent ses personnages.
Reste l’humour, dévastateur comme toujours chez Valérie Lemercier, capable de balancer les pires grossièretés sans tomber dans la vulgarité. Elle-même extraordinaire comédienne comique dont on ne louera jamais suffisamment le potentiel dramatique (on entraperçoit ça et là les zones d’ombre tapies sous le rire), elle offre à ses partenaires de délicieuses partitions dont chacun se repaît avec un enthousiasme communicatif − mention spéciale à Lambert Wilson, Michel Vuillermoz et le formidable Michel Aumont. Au-dessus de cette joyeuse équipe, Catherine Deneuve trône, impériale. La regarder débiter des horreurs avec une classe folle vaut réellement le détour.