L’Histoire le dit : les Vikings ont découvert l’Amérique avant Colomb. Ils ont trouvé là-bas des Indiens, et que tout ce beau monde en a profité pour se mettre fameusement sur la gueule. Les Indiens bodybuildés sont intelligents et pacifiste, les Vikings, engoncés dans des armures fantasmées par Druillet, et au milieu de tout ça, le beau héros blond musclé et déchiré entre ses deux cultures. La météo n’est pas au rendez-vous, mais les films crétins de saison le prouvent bien : c’est l’été.
Nous sommes bien longtemps avant Colomb. Sur les côtes orientales du Canada, un drakkar échoué est découvert par une Indienne. À l’intérieur, au milieu des cadavres, un jeune garçon (dont de judicieuses séquences de réminiscence nous apprendront qu’il est — ô hasard — fils d’un chef viking). Les Indiens, gentils comme tout, décident de garder parmi eux le naufragé. Des années plus tard, alors que notre héros a du mal à trouver sa place au milieu des siens, un autre drakkar accoste, en parfait état de marche celui-là, avec à bord une meute conquérante de Vikings brutaux qui massacre tout son clan. Dès lors, pour la sauvegarde des siens, et surtout pour l’amour de la fille du chef du clan d’à côté, il va s’opposer aux envahisseurs.
Il y a, comme ça, des signes qui ne trompent pas. Pour repérer un film dont le scénario n’aura pas été, et c’est peu dire, la première préoccupation des producteurs, se rendre compte qu’aucun personnage n’a de nom est un bon indice. Alors, on va m’opposer que, si, tous ces protagonistes ont un nom : notre héros s’appelle Fantôme, la fille s’appelle Feu-des-étoiles (très indien, ça), le méchant s’appelle Gunnar (très viking, ça). Admettons. Cela étant, personne dans le film ne nomme explicitement personne d’autre, parce que c’était difficile d’apprendre les noms, probablement. On n’est pas là pour ça.
Pathfinder, c’est un concept assez basique : les Indiens contre les Vikings. Assez honnête dans son approche totalement bourrine du film de divertissement, le film ne s’embarrasse guère d’honnêteté intellectuelle historique. Les Indiens sont tous musclés comme des Chippendales, et on pourra trouver dans leurs tipis tout un attirail qui permet de reconnaître que ce sont eux, les Indiens (un dream-catcher, un calumet, un tomahawk…). Les Vikings, quant à eux, sont l’équivalent de l’époque des cathédrales gothiques : imposants, sombres, avec des gargouilles et des pics partout sur de lourdes armures de métal qui font peur (les acteurs portaient d’ailleurs des épaulettes de football américain sous leurs armures, pour faire plus large). Le ton est donné : les deux peuplades en opposition ne sont ici que le vecteur de fantasmes visuels exacerbés, uniquement mis en présence pour le plaisir des yeux − un peu à la 300, mais fauché, et largement moins maniéré (le film est d’ailleurs, lui aussi, adapté d’un comics).
Parce que la mise en scène de Pathfinder non plus ne s’embarrasse pas de finesse : le but avoué est d’en mettre plein la vue. Point, ici, de grands plans lyriques sur la beauté sauvage de la nature d’avant l’arrivée de l’homme blanc avec une musique de James Horner : le film accumule morceaux de bravoure sur morceaux de bravoure, sans guère de souci d’esthétique. Cependant, il faut d’ailleurs bien reconnaître que l’efficacité est au rendez-vous, et le récit (dont le seul enjeu est : comment va t‑il tous les tuer?) suit un rythme soutenu. Il arrive même que le scénario (enfin…) réserve quelques surprises plutôt inattendues, notamment concernant le sort réservé à nombre d’Indiens.
Il ne faut pas se leurrer, Pathfinder est uniquement une grosse machine pour cinéma d’été. Dans le genre, c’est plutôt passable, mais les quelques petits clins d’œil sont la seule chose qui sauvera le cinéphile d’une placide consternation : le grand méchant, interprété par Clancy Brown, qui fut en son temps le Kurgan de Highlander, quelques clins d’œil à Rambo, et une poursuite en luge totalement inspirée de James Bond. En dehors de cela, le film amusera cet été, pour sortir en DVD rapidement et sombrer dans les brumes de l’oubli du bac promotionnel à un euro. C’est à peu près ce qu’il vaut.