Si certains se plaignent trop souvent de la langue de bois concernant les banlieues, ils seront servis avec Paulette. Les insultes racistes qu’on pensait enterrées depuis longtemps refont surface dans cette comédie franchouillarde, mais au-delà du choc des mots (nègre, bougnoule, bamboula entre autres joyeusetés), c’est principalement la niaiserie ambiante du récit qui plombe le film de Jérôme Enrico. La resucée d’un fait divers (une retraitée qui se lance dans le trafic de stupéfiants) n’y change rien. La vieillesse est un naufrage paraît-il, et Paulette n’évite aucun écueil.
Paulette, retraitée et veuve, vivote avec une maigre pension, ratissant les invendus du marché ou fouinant dans les poubelles. Aigrie par la déchéance sociale dont elle est victime (et dont elle blâme les étrangers), elle exècre son gendre, un flic noir et son petit-fils, un métis. Mais la fin justifiant les moyens, elle met son racisme dans sa poche pour faire affaire avec le dealer de sa cité (un étranger évidemment) et se lance illico presto dans le deal de haschich, avec une franche réussite.
Avec son arrière-fond sociétal (la paupérisation des retraités et le trafic de drogue en banlieue), Paulette pouvait se targuer se viser deux des sujets brûlants qui minent la société française. Mais pour relever le défi de faire rire tout en dénonçant une réalité, il aurait fallu à Jérôme Enrico (réalisateur, scénariste et fils de Robert « Le Vieux Fusil » Enrico) une verve et une ambition, deux éléments qui manquent cruellement au film. Malgré un casting plutôt homogène (le quatuor de vieilles dames emmené par Bernadette Lafont rappelle efficacement qu’on peut avoir dépassé soixante ans sans être botoxé et tenir tout de même le haut de l’affiche), Paulette pâtit d’une mise en scène plate comme un lac gelé. Pas de fantaisie, alors que la thématique (une septuagénaire débitant des savonnettes de haschich dans sa cuisine) aurait pu donner lieu à des situations extravagantes, loufoques voire, soyons fou, stupéfiantes. Pas de finesse non plus, en premier lieu dans les dialogues, d’une pauvreté et d’une vulgarité repoussantes. Quant à l’intrigue, cousue de fil blanc visible à des kilomètres, elle s’enlise dans la facilité. Facilité des rebondissements quand la mamie se lance dans le commerce de space cakes faits maison, car comme chacun sait les vieilles dames adorent la pâtisserie. Facilité émotionnelle, car la grand-mère finira par aimer tendrement son petit-fils, sans que cette transfiguration ne soit amenée, encore moins justifiée. Tout comme elle troquera, comme par magie, sa xénophobie latente pour devenir tolérante et soucieuse de son prochain (la philanthropie mielleuse de la dernière partie du métrage, répondant ainsi au racisme bas du front du début). Et enfin, facilité du dénouement, le gang des cheveux blancs partant s’installer à Amsterdam où elles ouvrent un salon de thé à la française (car bien sûr, les Français ne sont bons qu’à pétrir des baguettes et farcir des mille-feuilles). Bref, l’indigence scénaristique de Paulette n’a d’égal que la prévisibilité de son récit.
Il est à déplorer que le cinéma français, lorsqu’il sort des sentiers battus de la comédie romantique et ose mettre en scène les invisibles du septième art (le troisième âge en l’occurrence) ne soit pas en mesure de ciseler un spectacle un poil singulier. Les clichés sont éternels et Paulette en est un criant exemple.