Remarqué par les studios Disney avec ses œuvres de jeunesse – le burlesque Frankenweenie et le splendide poème animé Vincent – Tim Burton s’est vu confier en 1985 par le studio aux grandes oreilles, la tâche d’exploiter la popularité du comique Pee-Wee sur grand écran. Si des traces de son univers transparaissent ça et là, Pee-Wee ne présente que peu d’intérêt, pour l’amateur de Burton comme pour le cinéphile en général.
Pee-Wee est un homme excentrique, cloîtré dans un monde en Technicolor saturé, et ne vivant principalement que pour sa passionnelle histoire d’amour avec sa bicyclette. Son voisin, le replet Francis, aux allures de poupon boudeur et gâté, essaye régulièrement et par tous les moyens de s’approprier le précieux véhicule. Mais c’est peine perdue, car le débonnaire Pee-Wee pourrait aller jusqu’à être un peu méchant envers qui toucherait à sa Bucéphale personnelle. Lorsque la bicyclette tant convoitée disparaît, il s’en prend d’abord à son voisin, puis poursuit le véhicule volé à travers tous les États-Unis.
Voilà un pitch qu’on penserait sorti des pires comédies familiales des années 1980, et pour cause. Pee-Wee est une comédie, destinée à un public familial, tournée dans les années 1980. Et s’il n’est certainement pas la pire des comédies, Pee-Wee se maintient tout de même en bonne place. Les couleurs criardes du début du film ont l’étonnante propriété de susciter une envie irrépressible de fuite à toutes jambes tant le mauvais goût des décors et des couleurs est agressif. Mais le cinéphile curieux de voir les premiers pas de Burton au cinéma se doit de persévérer. Assiduité bientôt récompensée, car le film n’omet aucun des écueils des films familiaux de cet acabit : personnages infantilisés, scénario insipide prétexte à la mise en scène de l’énervant comique (quoique) Pee-Wee Herman, bons sentiments tellement sucrés que des caries sont à craindre, et une poursuite à la Benny Hill à la fin (avec tout de même Godzilla dedans !).
Maintenant, puisque la question se doit d’être posée : que dire de Tim Burton dans cette pochade rutilante ? Le réalisateur est manifestement derrière la caméra pour un film de commande, avec un strict cahier des charges à respecter. C’est dire la surprise qui saisit l’assistance lorsque le style Burton transparaît à l’écran ! Lors d’une séquence d’apparition d’un fantôme très réjouissant et qui annonce les délires visuels de Beetlejuice, mais surtout lors d’un passage onirique passablement déjanté et en décalage total avec le film, Burton prend clairement le contrôle de son script, et laisse libre cours à la fantaisie morbide et cauchemardesque qui deviendra sa marque de fabrique. Son complice Danny Elfman est déjà aux commandes de la musique du film, et l’amateur n’est pas dépaysé. Est-ce à dire pour cela que la vision de Pee-Wee s’impose ? Si c’est le cas, ce ne sera qu’aux seuls admirateurs du réalisateur, et pour satisfaire leur curiosité.
La sortie aujourd’hui dans nos contrées de ce Pee-Wee répond avant tout à un manque : la France a vu une sortie de tous les films où a collaboré Tim Burton (le premier étant Taram et le chaudron magique, en tant qu’animateur), cette première réalisation exceptée. Si on laisse de côté les cyniques présomptions qui attribuent cette sortie au seul pouvoir d’attirance de Burton, on peut se réjouir du courage qu’il y a à sortir un tel film, tant il est probable que le bouche-à-oreille jouera contre lui. Finalement, Pee-Wee reste un film de commande, à la gloire de l’énervant Pee-Wee, mais que l’acharnement de Tim Burton à y imprimer sa patte pourrait faire préférer aux fades La Planète des singes et Big Fish. Au moins, avec Pee-Wee, le réalisateur n’avait pas cyniquement tenté de faire simplement jouer la franchise que ne représentait pas encore son nom.