Comme tout programme de courts-métrages, Les P’tits Explorateurs fait le choix d’un fil conducteur, nécessaire à une cohésion entre les films proposés. Orientée vers un public d’enfants, cette programmation étonne par son ambition esthétique, puisque ces films sont portés par un véritable sens créatif qui dépasse largement le statut de catalogue de sensibilisation morale : le premier film raconte l’histoire d’un enfant tentant de redonner vie à un poisson dans un contexte de pénurie d’eau en Amérique Latine ; le second fait tout autant l’éloge des éléments de la nature, au travers du récit d’une petite fille armée de graines magiques accroissant la taille des objets au contact de l’eau, pouvoir dont elle abuse, caressant ainsi une timide critique de la surexploitation des ressources ; le troisième film nous place face à une cage d’ours de zoo, et dans sa captivité, l’animal va se lier d’amitié avec un oiseau ; le dernier court-métrage, enfin, clou du spectacle et film-titre de la programmation, raconte la rencontre entre un robot-réparateur extraterrestre échoué sur terre, et un enfant sourd-muet, Jo.
Interactions et figurations
La force de la nature et des quatre éléments n’était donc pas le thème principal, malgré l’entrée en matière au travers des deux premiers films, mais l’interaction entre espèces différentes, évidemment prétexte à un éloge de la tolérance, mais également à des sujets inespérés. Dans Les P’tits Explorateurs, le film principal, un enfant (Jimmy) pense détenir une pierre magique recelant des pouvoirs, allant jusqu’à imposer à ses amis un culte de l’objet quasi-religieux. En découvrant que les miracles opérés sont en réalité le fait du petit robot, le garçon procède à un véritable schisme, obligeant ses camarades à le suivre en prétextant un contre-argument (pas de robot magique de l’espace mais en réalité les inventions du mécanicien du village, père de Jo).
La force de ces dessins-animés reste leur capacité à employer à bon escient la liberté physique du dessin, sans se soucier des lois de la nature : par exemple, dans le premier conte, ce n’est pas tant la pénurie d’eau qui intéresse le récit, que de voir le poisson sauter de verre en verre pour survivre. Sans contraintes, ces petites histoires simplissimes réussissent leur acte de transmission (de valeurs et émotionnelles), en atteignant des zéniths de poésie par la figuration de motifs très facilement identifiables : le second récit de la petite fille aux graines démontre habilement les méandres de la cupidité et de la gourmandise, quand la fille se retrouve engloutie par sa montagne de jouets devenus énormes.
Émancipation du dessin
Le film principal, quant à lui, est admirable dans sa façon de donner la vedette à un sourd-muet sans sombrer dans un pathos stigmatisant. L’handicap de l’enfant est employé comme un atout, puisque l’absence de son dans l’espace et le langage des signes sont autant de points communs que partagent ce terrien et le robot extraterrestre, facilitant ainsi leur amitié — soit dit en passant, cette expérimentation linguistique pour communiquer avec l’inconnu est tout aussi ambitieuse que le lourd attirail technologique de Premier Contact. En se jouant ainsi de la figuration par le dessin, ces films justifient largement leur matériau, en évitant absolument le racolage plastique : c’est à dire faire un dessin-animé uniquement pour attirer le jeune public, mais au contraire laisser les récits librement se dégager de toute pesanteur — à l’image de l’ours du zoo, qui parvient à s’envoler grâce à l’aide de ses amis oiseaux. On pourrait certes regretter l’envahissante voix-off et les dialogues un peu lourds du dernier court-métrage, contrastant avec les onomatopées des autres films (et d’autant plus encombrants dans un récit mettant en scène la surdité). Cependant, Les P’tits Explorateurs parvient à générer d’incroyables sommets émotionnels — la déchirante séparation entre le robot et l’enfant, puis quand celui-ci se réfugie dans la grange où il abritait son protégé pour s’emplir de son souvenir. Ce programme sur l’interaction s’acquitte de tout son devoir de transmission, à toutes les échelles.