Les deux premiers épisodes de [REC] avaient aux commandes le duo Paco Plaza/Jaume Balagueró : 2012 voit les deux compères s’atteler chacun de leur côté à une suite. Le ton, semble-t-il, sera radicalement différent entre les deux films. Peut-être Balagueró va-t-il faire suite au style horrifique radical des deux premiers épisodes. Paco Plaza, quant à lui, choisit une voie inattendue, entre la comédie gore et le récit plus lyrique. Un film surprenant, pétri de références multiples, et peut-être un peu plus que ça.
La surprise est d’autant plus importante si l’on considère la progression de la saga [REC] : le [premier épisode était un train fantôme hystérique, relativement justifié – pourvu qu’on soit un peu indulgent – dans son utilisation de la caméra à l’épaule. Pour tous ses défauts, le film faisait tout de même montre d’une réelle cohérence scénaristique, qui fit défaut à sa suite, [REC] 2. Maladroit, le film tentait de jongler avec les points de vue formels, de développer plusieurs approches de la caméra à l’épaule, sans vraiment convaincre. Idem pour la tentative d’introduire le surnaturel démoniaque dans ce qui, à toutes fins utiles, était fondamentalement une histoire de zombie : le film, trop éparpillé, paraissait très artificiel.
C’est pourtant cette approche thématique qui est maintenue avec [REC] 3, qui place son intrigue au sein d’un mariage que la « contagion démoniaque » va transformer en temple de l’horreur. Pour le reste, foin de la saga : dans la bouche du cameraman professionnel venu filmer l’événement, « la caméra à l’épaule, c’est d’la merde ! » Et le film de se débarrasser rapidement de cette option esthétique, devenue un handicap formel réel dans la saga. Avec la même désinvolture, Paco Plaza laisse de côté l’hystérie et le sérieux mortel qui, jusque là, était le lot de [REC] : le non-sens fait ainsi une entrée fracassante à l’écran, qui indique très rapidement les références majeures du réalisateur, le Peter Jackson de l’époque de ses meilleurs films, Bad Taste et surtout BrainDead et le Sam Raimi, tendance Evil Dead ou [Jusqu’en enfer. En somme, les grands artisans de l’horreur burlesque.
Ce choix ne laisse évidemment pas d’étonner qui est venu suivre la suite de la saga horrifique. Une telle rupture de ton laisse le spectateur circonspect, d’autant que le film reste par ailleurs fidèle au jeu de massacre progressif instauré par le premier épisode. Stylistiquement beaucoup plus fluide, la progression narrative permet à Paco Plaza d’intégrer des citations explicites : la tronçonneuse de la saga Evil Dead, la tondeuse, certes miniaturisée, de BrainDead. Mais, le réalisateur ne se contente pas non plus d’aligner les gags, les références, dans une explosion de burlesque incontrôlé. Il parvient progressivement à réduire l’hétérogénéité entre le comique et l’horreur, alors que la dynamique narrative de son film se révèle.
À mesure que progresse le récit, ainsi, Paco Plaza le mène subrepticement vers une thématique que le spectateur n’entrevoit pas, qui finit par dépasser le cadre de l’aspect cartoon qu’il s’est imposé. C’est alors que Plaza se tourne vers une troisième référence, une autre thématique naturellement corollaire de l’horreur, dont nous laisserons découvrir la teneur aux spectateurs, et qui est bien éloignée de celles adoptée auparavant – une thématique plus noble, disons, et qui a l’avantage de tirer à la fois le film et la saga vers le haut, lui donnant une dignité que son traitement horrifico-hystérique lui refusait jusqu’alors.
Certes, Paco Plaza évolue toujours dans le domaine codifié de la référence aux canons du genre. Mais, ce faisant, il fait montre d’un savoir-faire certain qui lui permet de transcender le fouillis de ses citations pour donner une cohérence véritable à son film, une cohérence qui en fait peut-être le meilleur épisode à ce jour.