Des acteurs de séries télévisées s’écrivent des rôles pour le grand écran et se mettent en scène dans un film préparé entre copains. Après tout, on n’est peut-être jamais mieux servi que par soi-même… Hit and Run, seconde réalisation de Dax Shepard et David Palmer, nous prouve le contraire avec cette comédie poussive où la recherche permanente du décalage tourne vite au grotesque.
À la sortie de la projection, on fait à peu près la même mine déconfite que Kristen Bell sur la photo ci-dessus. L’héroïne polymorphe de Veronica Mars (UPN/The CW, 2004 – 2007), croisée ensuite dans Heroes (NBC, 2007) ou House of Lies (Showtime, 2012), peine à trouver des rôles à la mesure du potentiel révélé par Rob Thomas il y a huit ans. Au cinéma, dans Sans Sarah, rien ne va (Nicholas Stoller, 2008), la dimension comique de l’actrice était esquissée dans un rôle bancal. Aujourd’hui, sous la plume de son fiancé à la ville, elle est réduite au rang de faire-valoir, bringuebalée au rythme d’une action menée tambour battant par son acolyte masculin. Dax Shepard (de la série Parenthood, en production depuis 2010) écrit et co-réalise un film à la loufoquerie et à la légèreté assumée où l’automobile est reine. Charlie Bronson (Shepard lui-même) fait partie d’un programme de protection de témoins. Sa petite amie, Annie, le sait, mais elle n’a pas la moindre idée de son ancienne identité et de son passé de braqueur en série. Lorsque la belle se voit offrir un emploi à Los Angeles, ancienne résidence de Charlie, le témoin gênant décide de prendre le risque d’un retour au bercail. C’est sans compter sur le marshal en charge de sa protection, vraie catastrophe ambulante, sur l’ex-petit ami d’Annie, paranoïaque et encombrant, et sur l’ex-compère en braquages de Charlie, dont l’accoutrement très nineties et les dreadlocks blondes cachent un tempérament volcanique. Ajoutez à cela une ex-fiancée lunatique (une copine de la série Parenthood), et vous voilà embarqués dans un imbroglio romantico-financier à 130 miles à l’heure. Embarqués dans des véhicules reflétant leurs particularités, ces personnages azimutés courent les uns derrière les autres à la recherche d’eux-mêmes.
De la belle Lincoln Continental 1967 (propriété de Shepard) au quad tout-terrain, la voiture demeure le personnage central autour duquel gravitent des êtres gesticulants. Outil d’action et de comique, elle sert de lien générationnel entre Charlie et son père, tout comme elle cristallise leur discorde. Elle est le lieu de toutes les rencontres possibles et l’espace des conflits comme des réconciliations. L’automobile dans tous ses états construit l’articulation du film et conditionne son esthétique. Mais la fureur d’effets visuels heurtés (jeu permanent sur le ralenti et l’accéléré, dureté de l’image haute définition) n’est pas pour faciliter le plaisir de l’amateur de belles carrosseries (quand cela eût pu constituer l’enjeu principal du film). Et, d’emblée, les femmes sont exclues de ce plaisir potentiel, puisqu’Annie ne fait que moquer le style et la fiabilité de la belle Lincoln, dont l’état se détériorera à mesure que le passé de Charlie sera révélé.
Road-movie sentimental, film de course-poursuite et film de gangsters, Hit and Run joue le jeu d’une subversion délirante des genres pour ne parvenir qu’à soulever la poussière californienne sur les chapeaux de roues, sans jamais soulever un réel enthousiasme. Bradley Cooper, dans le rôle loufoque du braqueur rancunier, sert de garantie à la bonne fin de film (comme on dit en production) : sans cet acteur bankable dans la distribution, Hit and Run n’aurait sûrement pas connu le même chemin de distribution. Pourtant, on se serait bien contentés d’une sortie technique après une heure quarante de folle poursuite à la recherche de l’intérêt de ce film.