Adapté de la bande dessinée canadienne de Bryan Lee O’Malley, Scott Pilgrim, attendu comme le messie par les geeks de tous poils depuis plusieurs mois déjà, bénéficie enfin, après de nombreux reports, d’une sortie sur nos écrans. Réalisé par Edgar Wright, dont le Shaun of the Dead avait remis au goût du jour la comédie horrifique, le film a longuement asticoté la patience du public. Mais entre créativité ébouriffante et trop plein d’effets spéciaux, Scott Pilgrim divertit sans vraiment surprendre, amuse sans trop d’excès, emballe et agace en même temps. Étrange programme !
Scott Pilgrim, adulescent de 22 ans, partage son temps entre sa nouvelle (et très jeune) petite amie Knives, et sa bande de potes. C’est d’ailleurs avec eux, les bien-nommés Young Neil, Stephen Stills et Kim Pine (si ces noms vous rappellent un truc dans l’industrie musicale, c’est normal), qu’il forme les Sex Bob-omb, groupe garage bruyant et sans grand intérêt. Sa vie « trépidante », rythmée par les répétitions, les balades chastes et amoureuses avec Knives et les quolibets de son coloc’ Wallace, prend un tour inattendu lorsqu’il rencontre une étrange jeune fille dans un rêve. Perturbé par cette apparition nocturne, il tombe des nues lorsqu’il se retrouve nez à nez avec elle. Instantanément amoureux de Ramona (c’est son nom), il lui déclare sa flamme. S’il a réussi à vaincre sa timidité pour avouer son attirance à la belle, d’autres combats l’attendent, nettement plus musclés, car Ramona est sous le coup d’une malédiction : ses ex ont monté une ligue pour empêcher quiconque d’être son nouveau petit ami, à moins de les battre tous en duel.
Scott Pilgrim, dont l’inspiration puise dans l’imaginaire des jeux vidéo de baston (Tekken, Street Fighter ou encore Mortal Kombat), se scinde en deux entités très étanches. Une bonne partie du film se focalise sur les combats qui voient s’enchaîner les ex plus improbables les uns que les autres (les jumeaux diaboliques, le rockeur végétarien, l’acteur beau gosse et… la geekette énervée, comme quoi Ramona n’a pas chômé avant sa rencontre avec Scott). Une musique technoïde, qui pourrait faire pleurer un chien, rythme chaque affrontement qui se termine toujours par la victoire, sans surprise, de Scott, victoire symbolisée par la disparition de l’ennemi remplacé par un jackpot de pièces de monnaie, chaque fois plus important. Blindée d’effets spéciaux, entre coups de latte en plein air et boule d’énergie lancée à toute berzingue, la mise en scène peine à rester fluide et lisible. Ca saute, ça vole, ça explose, tout ça sur un beat tachycardique. Autant dire que ça fatigue un peu les yeux et les oreilles.
Heureusement, l’autre partie du film, la narration liant les différents levels que Scott doit franchir avant l’ultime combat, fourmille d’idées brillantes. Des inserts écrits, présentant les personnages, rappellent les origines comics de Scott Pilgrim tout en insistant sur des détails croustillants de la bio des héros. Les apparitions de Ramona (souvent en rollers sur la neige) apportent une touche de fantaisie coloriste (ses cheveux passent du rose au bleu, sans oublier le vert). La séquence d’ouverture (la répétition des Sex Bob-omb) qui tente la symbiose du son et de l’image, fait penser au travail clipesque de Gondry (The Hardest Button to Button des White Stripes par exemple). Sans compter les raccords loufoques lors d’une soirée de beuverie où Scott tente une approche ratée de Ramona ou le running-gag des scènes de discussion entre Scott et son coloc gay (hilarantes).
Bref, Scott Pilgrim se regarde comme deux films quasi indépendants, l’un meilleur que l’autre. Si l’ambiance beat’em all (jeu vidéo qui consiste à dézinguer tout ce qui bouge dans un périmètre restreint) emballera sans doute les gamers, elle affaiblit malheureusement la dynamique scénaristique d’ensemble par une overdose d’effets indigestes. Mais contrebalancé par de vrais bons moments de comédie (dus autant à la mise en scène qu’aux acteurs), Scott Pilgrim se révèle une auberge espagnole où il y a à boire et à manger. S’y arrêter deux heures durant n’est donc guère une punition, mais plutôt, en définitive, une joyeuse parenthèse.