Il y a, comme ça, des symbioses entre certains cinéastes et soi. Certains sont transportés par Douglas Sirk, d’autres par Lars von Trier, Terry Gilliam ou (tout arrive) Guy Ritchie. En ce qui concerne votre serviteur, depuis une improbable séance d’Aliens vs Predator : Requiem, c’est le cas avec les frères Strause. Ce qui va conduire à une critique plutôt positive de Skyline, leur dernière… œuvre, avec toute la mauvaise foi du monde. Et il en faut, pour dire du bien de ce film, croyez-moi.
Il y a quelque chose de touchant, d’honnête, chez ces deux cinéastes. Avec AvsP 2, les frères Strause continuaient la saga d’une haute médiocrité commencée par le prétentieux premier épisode, en réalisant une sorte de pudding indigeste bourré de références 1980’s – avec, surtout, un mauvais esprit propre à certaines productions de l’époque, et dont un envahissant politiquement correct semblait avoir eu raison. Avec Skyline, les deux frères techniciens aux effets spéciaux remettent le couvert, plus modestement, mais toujours avec un esprit très eighties.
Tout d’abord, un pitch… expéditif. Les extra-terrestres débarquent. Grâce à un rayon de lumière, ils prennent possession des humains, leur enlèvent toute volonté, et les kidnappent par paquet de mille. Sauf pour nos héros qui ont eu, ah ah ah, la bonne idée de ne pas regarder la lumière. Et donc, huis clos.
Le champ-contrechamp, c’est un peu le tour de magie le plus connu de tout le cinéma à effets spéciaux. Simple : filmez vos acteur en train d’interpréter leur réaction face à, par exemple, un mille-pattes géant, un blob gélatineux ou n’importe quel monstre agressif. Puis, filmez votre créature en modèle réduit, dans une maquette. Montez les deux en champ-contrechamp, et tout le monde y croit. Presque tout le monde, disons. On eût pu croire que l’incrustation des effets numériques, une pratique toujours plus aisée, mît fin à ce charmant artisanat – mais NON ! Skyline a cet insigne mérite de nous montrer que la création numérique nécessite aussi un minimum de moyens – moyens qui font défaut à ce Skyline très fauché.
Nous voilà donc avec une bonne dose de champs-contrechamps pour les interventions des extra-terrestres, agrémentée de scènes en huis clos au dynamisme et à la conviction très Voisin-Voisine – tout cela pour un Skyline qui fait bougrement penser à un sous-produit vidéo, égaré sur les écrans tricolores pour combler les trekkies en manque de vaisseaux spatiaux pendant les vacances de Noël. Mais, comme annoncé, les malandrins doués de mauvais esprit pourront trouver quelque plaisir au film, malgré tout.
Le traitement du pitch, en premier lieu : point de mise en situation, le spectateur est précipité d’un trait au cœur de l’action, ce qui est d’une rafraîchissante brièveté. Les personnages disparaissent avec une brutalité sans ambages, et ma foi fort jouissive ; tandis que, finalement, le récit prend une tournure des plus étonnantes – mais toujours aussi efficace et brutale – sur son final. Des excentricités, donc, qui suscitent l’étonnement, et finalement remportent l’adhésion, pour peu que l’on ait la même culture eighties que les réalisateurs.
Autant dire qu’une telle condition limite sérieusement la portée du film – ou, au moins, la tolérance que l’on peut avoir à son égard. Malgré tout, l’amusante personnalité cinématographique des Strause est toujours plus plaisante que celle du mastodonte Bay, dont on a déjà souligné dans ces colonnes la tendance de sale môme à avoir les jouets les plus chers de tous les enfants de la crèche, et à les casser avec mesquinerie pour son seul amusement. Au moins, les Strause ont une envie sincère et touchante de partager leur coffre à jouets – tant pis si ceux-ci sont un peu cheap.