S’il y a bien quelque chose que le succès de la saga Twilight nous aura appris, c’est qu’il y a toujours – toujours plus ? – un public pour les contes de fées rose bonbon – un public guère exigeant. Poursuivant sa carrière de j‑aurais-pu-être-Robert-Pattinson, Alex Pettyfer rejoue, avec ce Sortilège exemplairement prévisible et choupinet, une « Belle et la Bête » dont la naïveté ferait même rigoler les auteurs de la version Disney.
Pourtant, l’adaptation de l’auteur Alex Flinn, par le réalisateur Daniel Barnz lui-même, semble avoir posé problème : en témoigne le désastreux twist au milieu du film. La première partie s’annonce fidèle aux arcanes du conte : Kyle (Alex Pettyfer) est un fils-à-papa fat et insupportable, élevé – c’est la faute à papa ! – par un père grand avocat du culte de l’apparence, qui se sait beau et en joue sans la plus petite once de vergogne. Face à lui, deux femmes : la première est la gentille-trop-gentille Lindy qui se fait écraser socialement par le beau gosse, mignonnette interprétée par Vanessa Hudgens ; la seconde, la blonde qui se moque du regard des autres, et qui, ô hasard, est… une sorcière (Mary-Kate Olsen).
Ben oui, c’est comme ça, demandez à Roald Dahl, les sorcières sont partout. Celle-ci, humiliée publiquement par notre Kyle, tout de même passablement con, décide de se venger et lui refait la façade en mode maori-chauve-à-percings : il restera comme ça toute sa vie s’il ne trouve pas, avant un an, quelqu’un pour lui dire « je t’aime ». Et, c’est évidemment la gentille Lindy qui va faire l’objet de son choix.
On ne s’étendra pas sur la conclusion du film, prévisible comme on n’en fait plus (pas même un soupçon de suspens, pas même un doute, rien). On appréciera tout de même l’aspect particulièrement peu crédible et tiré par les cheveux de la raison pour laquelle Lindy se retrouve enfermée dans le « château » de Kyle-difforme (appelé désormais Hunter, ce qui est vachement plus cool). Tout, dans la relation « à construire » entre Kyle et Lindy, respire la facilité, l’approche la plus premier degré possible de son sujet : offrir du rêve niaiseux, à bon marché, sans le moindre risque d’opposer une contrariété quelconque à son auditoire. Gros bémol pour les distributeurs : à sortir un machin pareil, autant que ce soit pour la Saint-Valentin…
Mais bon, soit. On pourrait s’étendre une énième fois sur la pauvreté de l’imaginaire, le simplisme criminel et affreusement niais de la romance à la sauce « génération Twilight » – cela a‑t-il encore un intérêt ? Oublions pour une fois le procès d’intention pour nous concentrer sur Sortilège lui-même. En dehors de son sujet principal, deux personnages nous occupent principalement : les « aides » de Hunter, dans son isolement pour cause de laideur. La première, c’est Zola (sic) (Lisa Gay Hamilton), l’aide noire de notre malheureux héros, évidemment émigrée, évidemment séparée de sa famille, évidemment sage et patiente. Un bon point pour les quotas raciaux archétypaux. Le second, c’est Will, le « prof » aveugle, interprété par Neil Patrick Harris, ultrapopulaire interprète de Barney Stinson dans How I Met Your Mother, et dont le personnage ne sert à rien, pas même de comic relief occasionnel. Un bon point pour le casting bankable mais sans la moindre once d’intelligence dans l’écriture des rôles, également.
Finalement, Sortilège présente un intérêt : celui de constituer un exemple parfait de création cynique, préoccupée uniquement de caresser son auditoire dans le sens du poil – en somme, une écriture publicitaire version longue, guère surprenante mais qui, tout de même, ne manque pas de faire frémir par son absence complète de scrupules.