Après Une éducation, la réalisatrice danoise Lone Scherfig persiste à ausculter les derniers sursauts de l’adolescence, quand les choix de vie adulte s’imposent et les traits de personnalité s’affinent. Avec The Riot Club, elle plonge dans le quotidien de jeunes étudiants d’Oxford, bien nés et décidés à intégrer le club le plus select de l’université. Mais peut-on dénoncer des archétypes à coup de clichés ? Rien n’est moins sûr.
La vie rêvée des riches
Inspiré du Bullington Club (assemblée masculine d’étudiants d’Oxford connue pour ses excès de vandalisme et ayant abrité David Cameron entre autres), The Riot Club, à l’origine une pièce de théâtre de Laura Wade (scénariste du film), recense par le menu toutes les tares que l’on fantasme sur les rejetons de la haute société britannique. Amoraux, riches et persuadés que cela leur octroie des droits supplémentaires, les personnages du long métrage apparaissent rapidement comme haïssables. En contrepoint de leur supériorité supposée, une fille de basse extraction vient incarner le regard extérieur, celui du spectateur qui observe ce cirque cruel et insensé. Au manichéisme des personnages, outrageusement exagéré, vient s’ajouter une construction narrative pour le moins attendue. Le fameux club cherche deux nouveaux membres parmi les jeunes recrues de l’université. Miles (Max Irons) et Alistair (Sam Claflin), fils à papa argentés, se portent candidats, rêvant d’intégrer le petit groupe, prêts à subir humiliations et bizutages en tout genre.
Sans grande surprise, The Riot Club égrène dans sa première partie les différentes étapes d’intégration, intrinsèquement liées à une ingestion démesurée d’alcool. Des séquences de beuveries alternent avec des scènes de discussions, où le mépris de classe et le snobisme des membres du club s’expriment. Provocation molle s’il en est, tant la jeunesse dorée, estudiantine ou oisive, a de longue date inspirée les cinéastes.
La lutte de classe n’aura pas lieu
Mais la caméra de Lone Scherfig se fait plus pertinente dans un deuxième temps, lors d’un banquet privé organisé par les dix jeunes hommes. En basculant dans une veine plus sombre, le film trouve enfin une singularité qu’on n’attendait plus. Le huis clos d’abord bon enfant atteint un paroxysme de cynisme et de violence où le corps des faibles est jeté en pâture aux étudiants. Si la dichotomie de classe hante le film, elle résonne avec une virulence troublante lors de ce repas apocalyptique. Les femmes (une escort-girl et la petite amie de Miles) et le patron du restaurant où se déroulent ces agapes dégénérées, figures prolétaires et donc méprisables à l’envi, servent de défouloir aux petites frappes d’Oxford. Ce déferlement de brutalité (verbale ou physique), souligné par un parti pris de réalisation au corps à corps, impose au public le spectacle d’une élite assoiffée de sang, sans foi ni loi.
Sorte de parabole du capitalisme carnassier dont sont issus les personnages, The Riot Club enfonce le clou en piétinant les hypothétiques conséquences des actes des étudiants. À l’image du monde contemporain, ces jeunes puissants ne s’inquiètent pas de leur avenir. Sans cynisme, la réalisatrice concède que la loi du plus fort demeure encore pour eux la règle du jeu.