Nanti d’un budget important (estimé à 20 millions de dollars), True Legend n’a pas même réussi à réunir, lors de sa sortie chinoise, assez pour rembourser ce coût de moitié. Un comble, pour un film aux visées manifestement purement commerciales, et la sortie européenne aura sans doute du mal à renverser la balance. Film de wushu, l’art chinois du combat, True Legend arrive donc sur nos écrans comme un cousin appauvri du mésestimé Maître d’armes de Ronny Yu, et du splendide Trois Royaumes de John Woo. Appauvri, parce que le talent n’est guère au rendez-vous, non plus que le sentiment de récit épique, tragique, qui accompagnait les deux films précités. Et pourtant, pour gauche et maladroit qu’il soit, le film ne manque pas d’ambition…
… ni d’arguments de vente ! Jugez plutôt : Woo-ping Yuen à la réalisation en appelle à la fois au grand public (c’est le chorégraphe martial des Matrix et autres Kill Bill) et aux connaisseurs plus spécialisés (il a également réalisé de nombreux films, dont le légendaire Drunken Master avec Jackie Chan) ; et le casting évoque des noms connus et populaires (Gordon Liu, Jay Chou, qui faisait tout le sel du récent Green Hornet, Michelle Yeoh, David Carradine, ou Man-cheuk Chiu, connu pour avoir officié dans The Blade ou pour avoir repris le personnage de Wong Fei-hung à Jet Li dans les Il était une fois en Chine). Le scénario, dont on pourrait craindre qu’il soit passablement linéaire, réserve son lot de surprises, de péripéties et de prolongements narratifs inattendus. Alors, où cela pèche-t-il donc ?
Pourtant nanti d’un budget qui lui laisse des possibilités visuelles et narratives certaines, True Legend reste un film pingre. Après un début pétaradant, épique et grandiose, True Legend perd tout à coup de son ampleur. La faute, probablement, à une écriture paresseuse, prévisible, se contentant d’ânonner les lieux les plus communs, pour passer le temps entre les morceaux de bravoure martiaux.
Quant à ceux-ci, placés au croisement des trucages numériques grandiloquents (et terriblement datés) à la Storm Riders et du style de mise en scène à vitesse variable de Zack Snyder, ils manquent de la virtuosité impressionnante des combats « à l’ancienne » – dont le Drunken Master précité est un éclatant et réjouissant exemple. Les incrustations numériques, terriblement visibles, jurent atrocement, de plus, avec les (rares) séquences en prises de vue réelles.
Plus hétérogène encore, le chapitre final du récit, qui se greffe comme une ambition narrative heureuse derrière la confrontation martiale finale, semble vouloir ressusciter la figure légendaire de Wong Fei-hung, présenté, dans les Il était une fois en Chine, comme l’incarnation d’un nationalisme chinois fier et indomptable, un sentiment que le style lyrique de Tsui Hark parvenait bien à évoquer. N’ayant pas pris le temps de développer l’aspect moral de son personnage, Woo-ping Yuen va donc se contenter de reprendre les séquences finales du Maître d’armes, où Ronny Yu tentait déjà – avec un certain succès – de s’approprier les sentiments suscités par le Wong Fei-hung de Tsui Hark. À vouloir recopier encore la légende, Woo-ping Yuen se perd pourtant, ne parvenant ni à être suffisamment lyrique, ni à donner un tant soit peu de chair à son héros : voilà donc, finalement, une True Legend bien anecdotique.