Vanté sur son affiche par le réalisateur complice de Miyazaki, Isao Takahata, Un été avec Coo n’est pas sans rappeler l’un des chefs-d’œuvre du maître, le méconnu Pompoko… la maîtrise de la narration en moins. Se perdant dans les méandres d’une mise-en-scène qui semble souvent ignorer les bienfaits de l’ellipse, Coo est un ersatz parfois charmant, parfois lourd d’E.T. − mais qui possède suffisamment de qualités pour susciter l’intérêt.
Le Kappa est un esprit des rivières japonais, une sorte d’être entre la tortue et la grenouille, dont la principale caractéristique est de posséder au sommet de la tête une « assiette », sorte de tonsure qui, si elle se trouve totalement séchée, cause une extrême faiblesse à la créature. Lorsque son père est tué par un samouraï aviné à la fin de l’ère Edo, un jeune Kappa, laissé seul, se retrouve prisonnier de la terre suite à un concours de circonstances. Un siècle plus tard, totalement desséché, il est découvert par le jeune Kôichi, qui le ramène chez lui, causant évidemment toutes sortes de catastrophes et suscitant la curiosité de tout un chacun. Mais Coo, le jeune Kappa, reste quant à lui bien seul…
La thématique des esprits de la culture animiste japonaise reste une constante de l’animation venue du pays du Soleil Levant, sur le petit ou le grand écran. Avec une donnée tout aussi régulière : la mélancolie, et la tristesse, de ne voir en ces esprits que les reliques d’un passé qu’on devine à tout jamais enfui. Comme dans Pompoko, comme dans Le Voyage de Chihiro, Mari Iyagi, Spice and Wolf…, on ressent à la vision des aventures du petit Kappa Coo une tristesse réelle, legs de la conscience toujours plus aiguë, jetée au visage des Japonais par leurs metteurs en scène d’animation, du fait que l’homme se pose chaque jour un peu plus comme un tortionnaire de la nature et de la planète. L’ère de la symbiose animiste avec les esprits est révolu, et l’animation continue d’en faire son deuil, en ne proposant que fort rarement un espoir alternatif. Il faut pour cela les épaules solides d’une Princesse Mononoke, d’une Nausicaä… ou les audaces douces et bienvenues d’Un été avec Coo. Car ce dernier fait étonnamment partie des films qui offrent une alternative. Cette alternative, c’est à la fois cette merveilleuse scène où se manifeste le grand Dragon de la pluie et du marais, dont on rêverait qu’il noie Tokyo sous ses eaux ; mais c’est aussi et surtout une fin en demi-teinte, une audace narrative étonnante dans un film pour le moins… appliqué.
Appliqué parce que le réalisateur Keiichi Hara semble vouloir souligner avec une redoutable régularité toutes les étapes de son récit, pour la plupart terriblement galvaudées (l’amitié difficile entre le héros et une jeune fille, les rapports entre une foule bête et méchante et le mignon petit Coo…), sans jamais recourir à l’ellipse. Pendant plus de deux longues heures, nous voilà donc à suivre la progression d’un récit entendu, aux étapes reprises des maîtres étalons du genre, E.T. en tout premier lieu. Une tendance au pathos très appuyée achève d’alourdir un film qui brille pourtant, comme on l’a déjà dit, par certaines beautés inattendues, mais aussi par une expressivité étonnante chez des protagonistes au graphisme pourtant des plus sommaires, et surtout par une peinture charmante et très bien vue du quotidien d’une famille tokyoïte dans laquelle l’irruption de Coo va révéler les schismes, petits abcès et petites faiblesses – pour, évidemment, mieux les résoudre.
Plus naïf et innocent que mièvre, Un été avec Coo souffre donc d’un manque singulier de capacité à choisir une narration elliptique, et qui impliquerait plus ses spectateurs. En cela, surtout, il reste un film qui s’adresse avant tout au plus jeunes, auxquels il délivre un salutaire message de tolérance et de tendresse. Les autres, cependant, peuvent trouver un réel plaisir à cette peinture d’une famille touchée par le virus de la solitude urbaine, et que « recolle » l’arrivée de cet improbable petit être ; et surtout à ces scènes d’une grande poésie et d’une douceur inattendue qui finissent avec subtilité un film qui pourtant en manque singulièrement.