Après le succès retentissant de L’Arnacœur (près de trois millions d’entrées), Pascal Chaumeil, devenu le réalisateur ès comédies romantiques made in France, remet le couvert en soignant une fois de plus son casting. Diane Kruger, peu habituée aux rôles comiques, et Dany Boon, Monsieur « vingt millions d’entrées », enfilent ainsi les frusques de deux personnages que tout oppose. Fondant son cinéma sur l’adage selon lequel « l’amour a ses raisons que la raison ignore », le metteur en scène signe une romance a priori calibrée sur son précédent opus.
Toutes les histoires d’amour seraient des contes, alors rien de plus normal que la mise en abyme opérée par Chaumeil dès les premières minutes d’Un plan parfait. Autour du repas de Noël, Corinne (Alice Pol), essaie de remonter le moral à sa boss, invitée de dernière minute car dépressive face à son terrible célibat. Quoi de mieux qu’une histoire, aussi incroyable soit-elle pour revigorer la triste convive. Dans la famille de Corinne donc, les femmes sont frappées d’une malédiction. Leur premier mariage se solde toujours par un échec, seule la deuxième union apporte le bonheur parfait. Alors quand Isabelle (Diane Kruger), la sœur de Corinne, s’est vue proposer le mariage par l’homme de sa vie, les problèmes ont commencé. Elle a décidé d’épouser le premier venu, puis de divorcer dans la foulée, histoire de contrecarrer le mauvais œil familial. À partir de ce point, plus la peine de dérouler le fil narratif, il s’agit plus d’une corde que d’une ficelle. Elle tombe sur Jean-Yves (Dany Boon) qui évidemment ne lui plaît pas, mais elle décide tout de même de l’utiliser pour mener à bien son fameux plan.
Rien de nouveau sous le soleil à la vue de ce pitch, et pourtant, Pascal Chaumeil se débarrasse bien vite de ce qui a fait le succès de son Arnacœur. Durant plus d’une heure et demie, jamais au grand jamais, Diane Kruger ne tombe sous le charme de Dany Boon, ce qui n’est évidemment pas réciproque. À la place d’une idylle naissante, c’est un jeu de massacre cruel auquel on est convié. L’esbroufe d’Isabelle tord le cou aux bons sentiments. Elle manipule le pauvre garçon sans vergogne, le dégage comme une vieille chaussette et accepte à peine son amitié. La comédie romantique selon Chaumeil ressemble étrangement à une satire sociale. Pourquoi cette jolie bourgeoise, bien éduquée, habituée aux country-clubs et aux grands restaurants s’amouracherait-elle d’un auteur du Guide du routard, un peu moche, sans manière et fauché ? L’impossibilité de cette situation dans la « vraie vie » transparaît dans chaque séquence. Cynisme du réalisateur face aux sempiternelles bluettes totalement irréalistes ou simple mécanique comique sans lecture sociologique, difficile de trancher. Mais le mauvais esprit insufflé par le personnage de Diane Kruger est suffisamment rare dans une comédie pour être signalé, quand bien même il ne serait pas le fruit d’un véritable parti-pris « politique ». Et le plaisir du spectateur est à la hauteur de la cruauté du film. Rivalisant de scènes drôlissimes où Boon est ridiculisé (la visite chez le dentiste) ou maltraité physiquement, Un plan parfait use des ressorts classiques des films romantiques (le numéro de charme pour faire chavirer le cœur de la femme), mais chaque tentative échoue lamentablement, confortant l’héroïne dans ses convictions amoureuses (à savoir le beau gosse blindé qui l’attend à Paris).
Si le film ne durait qu’1h30, il pourrait se prévaloir d’être un coup de vent rafraîchissant dans une production cinématographique consensuelle. Malheureusement, les quinze dernières minutes et le happy end qui vient clore le métrage gommeraient presque les méchantes saillies qui l’ont jalonné. Comme quoi, une miette de guimauve au dessert et toutes les saveurs originales qui précèdent finissent aux oubliettes…